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VOYAGE AU YÛN-NÂN

ment de la Cochinchine ne vînt pas à un moment donné en entraver le cours.

Mais tel était encore alors l’état des renseignements sur la situation politique du Tong-kin, que l’on fut persuadé, au ministère de la marine, de l’échec de mon entreprise.

Néanmoins j’obtins qu’un navire de guerre fût mis à ma disposition pour me conduire de Saigon à Hué et je quittai la France avec une lettre de recommandation pour le gouverneur de la Cochinchine. Le général d’Arbaud faisait l’intérim en l’absence de l’amiral Dupré. Je reçus un excellent accueil de toute la colonie et aussitôt après avoir pris connaissance des dépêches, le général d’Arbaud donna ordre au Bourayne, qui était en réparation, de se préparer.

Sur ces entrefaites, j’avais de fréquents entretiens avec les principales notabilités de la colonie, avec M. de Montjon, directeur de l’intérieur, avec Mgr Miche, et principalement avec M. Legrand de la Liraye, interprète officiel du gouvernement, qui devait à ses fonctions de connaître d’une manière toute particulière l’état de nos relations avec les Annamites. Ce fut lui le premier qui me dissuada de mon dessein de me rendre à Hué sur un navire de guerre français.

« Nous ne connaissons que trop, me dit-il, le mauvais vouloir de la cour de Hué à notre égard. L’insolence des Annamites ne connaît plus de borne depuis les malheureux événements de 1870. Voilà deux ans que nous sollicitons, mais en vain, auprès de ce gouvernement, l’autorisation pour M. Pierre, directeur du jardin zoologique de Saïgon, d’aller dans les provinces voisines rechercher des plantes pour cet établissement. Croyez-moi, dès que la cour de Hué verra notre intervention dans cette affaire, elle donnera aussitôt des ordres aux mandarins du Tong-kin pour vous empêcher de passer. Le mieux est de partir directement pour le Tong-kin et de surprendre les mandarins par la rapidité de vos mouvements. »

M. de Montjon, Mgr Miche et d’autres notabilités influentes de la colonie, se rallièrent également à cette idée. Quant au général d’Arbaud, il ignorait la situation, il suivait les avis de M. de Montjon, qui en réalité était le véritable gouverneur. Contre-ordre fut donc donné au Bourayne, qui continua ses réparations ; mais il fut entendu qu’il serait envoyé au Toug-kin pour me faciliter le passage auprès des mandarins annamites et que j’aviserais le gouver-