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VOYAGE AU YÛN-NÂN

J’ignorais alors en 1871, que les rapports entre la France et l’Annam fussent aussi tendus ; je n’eus connaissance de ce fait qu’un peu plus tard. Il est certain qu’après la guerre désastreuse de 1870, le gouvernement annamite pensa nous chasser de la Basse-Cochinchine en recherchant quelque alliance en Europe. Il s’agissait alors pour moi de prendre un parti pour ouvrir le fleuve.

La province du Yûn-nân pouvait, une fois le pa}-s pacifié, renouer ses anciennes relations avec le Laos et la vallée de l’Iraouaddy ; mais ses communications du côté du Tong-kin restaient interrompues. Depuis la conquête de cette dernière contrée par les Cochinchinois, le commerce du Yûn-nân utilisait à peine la voie du fleuve Rouge. Les tribus sauvages du haut Tongkin qui se reconnaissaient tributaires de la cour d’Hannoï, s’étaient affranchies dans la suite de la cour de Hué ; puis des rebelles chinois venant de la province du Kouang-si, s’étaient installés sur les bords du fleuve et prélevaient sur le peu de marchandises qui s’aventuraient de ce côté des droits énormes. Avec la sécurité, les relations entre le Tong-kin et le Yûn-nân avaient disparu. Telle était la voie qu’il me fallait rouvrir. Je n’avais qu’un seul moyen en mon pouvoir pour atteindre ce but, il consistait à associer à cette œuvre les autorités mêmes de la province. L’Annam étant vassal de la Chine, la province du Yûn-nân avait le droit d’utiliser la voie du fleuve Rouge et les pouvoirs des autorités de la province me conféraient les mêmes droits.

On a contesté en ces derniers temps la suzeraineté de la Chine sur l’Annam ; ce droit existe, l’investiture a été accordée à l’avènement du dernier souverain de l’Annam, Tu-Duc, comme elle l’avait été aux autres souverains. Les détails de la cérémonie nous ont été conservés par Mgr Pellegrin, dans une lettre datée de Hué le 16 décembre 1849 et dont voici les principaux passages :

« À la sixième lune, les ambassadeurs chinois, après avoir été annoncés plusieurs fois, entrèrent dans le royaume par la partie septentrionale du Tong-kin. Ils ont mis plus d’un mois pour se rendre jusqu’à Hué. La caravane se composait de cent quarante personnes environ, ayant à sa tête un mandarin du second ordre Le 17 de la septième lune, les ambassadeurs arrivèrent à la capitale et furent reçus par plusieurs mandarins de différents