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LE PESSIMISME BRAHMANIQUE

« L’homme qui connaît l'âme suprême de façon à pouvoir dire : — « C’est moi » — (je lui suis identique) — pour quelle convoitise, dans quel désir (temporel) tourmenterait-il son corps ? » — C’est-à-dire, d’après le commentateur, comment s’exposerait il à supporter les maux auxquels le corps est en butte pour poursuivre des biens périssables, tandis qu’il peut échapper par l’union avec l’âme suprême à la succession indéfinie de la naissance et de ; la mort ?

Et encore :

« … Si on ne la connaît pas (l’âme suprême), c’est un grand détriment : ceux qui la connaissent sont immortels, les autres ne font qu’aller dans le malheur. »

Un peu plus loin (iv, 4, 22), il est constaté que le désir de l’union avec l’âme suprême exclut toute espérance mondaine, comme celle d’avoir un fils, d’accumuler des richesses ou de s’élever sur l’échelle des mondes (car il y en a de meilleurs que la terre).

D’après un autre passage (v, 11), la pensée même des misères terrestres est un moyen de délivrance :

« La plus grande peine que l’on puisse endurer est d’être malade : celui qui possède cette connaissance obtient le monde suprême (c’est-à-dire l’union avec l’âme suprême).

« La plus grande peine que l’on puisse endurer, c’est qu’on porte, après votre mort, votre corps dans la forêt (pour être mis sur le bûcher) : celui qui possède cette connaissance obtient le monde suprême.

« La plus grande peine que l’on puisse endurer, c’est qu’on mette, après la mort, votre corps sur un bûcher ; celui qui possède cette connaissance obtient le monde suprême. »

Enfin, dans un paragraphe très important au point de vue des croyances qui nous occupent (vi, 2, 15), il est expressément posé en fait que par la connaissance par excellence (celle de l’âme suprême) on obtient le monde de Brahma, ce qui est une façon de désigner l’identification avec l’âme suprême. C’est un monde où l’on vit une infinité d’années et d’où l’on ne revient pas. Tandis que, si l’on ne s’est livré qu’aux pratiques extérieures du culte, si l’on s’est borné, par exemple, à offrir des sacrifices, à faire des aumônes ou à macérer