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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

pare les arcades sourcilières[1] ; on la replie alors de manière qu’elle vienne fermer l’entrée du pharynx et qu’elle empêche toute communication entre les fosses nasales et l’arrière-bouche ; on reste ainsi le regard fixé sur la place qui se trouve entre les deux sourcils, une des voies par lesquelles l’âme peut à son gré sortir du corps et y rentrer (ib. III, 32, sq.).

D’autres opérations ont pour objet le nettoyage des nāḍi et des parties vitales de l’organisme. On avale, par exemple, une bande d’étoffe, large de 4 doigts, longue de 15 empans, qu’on fait descendre jusque dans l’estomac, pour la retirer ensuite lentement (dhauti) ; ou bien c’est un cordon, long de douze doigts, qu’on introduit par une narine et qu’on fait sortir par la bouche (neti) ; ou encore, le yogin, abaissant les épaules, tourne à droite et à gauche le bas-ventre avec la rapidité d’un violent tourbillon (nauli)[2].

Le nettoyage des canaux ou la suppression des fonctions naturelles de l’entendement et de la respiration sont en somme des résultats négatifs. Si le yogin se soumet à tant d’efforts, c’est surtout parce qu’il espère acquérir ainsi d’intenses énergies, et exalter à un haut degré sa puissance. La rétention du souffle dans le prāṇāyama a déjà pour effet d’amener une transpiration dont il a soin de frotter ses membres ; cela leur donne de la fermeté et de la souplesse[3]. Mais des exercices violents comme la khecarī sont encore plus efficaces. Ils occasionnent dans l’arrière-bouche une salivation considérable. Ce suc, qu’on identifie avec le soma, parce qu’il est sécrété par une partie du palais qu’on appelle mystiquement « la lune », candra, est en général absorbé par « le soleil », c’est-à-dire par le feu qui brûle dans la

  1. Une langue assez longue pour qu’elle puisse atteindre la racine du nez passait dans l’Inde pour un indice certain de supériorité spirituelle ; les bouddhistes n’ont pas oublié ce caractère dans l’énumération des « signes » distinctifs d’un Bouddha.
  2. Pour la dhauti, voir H. Y. Pr. II, 24, sq. ; pour la neti, ib. II, 29 ; pour la nauli, ib. II, 33.
  3. Cf. H. Y. Pr. II, 13.