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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

faciliter la méditation, mais aussi ont par elles-mêmes une vertu purificatrice et sanctifiante[1].

Il est inutile d’énumérer tant de recettes offertes par le Haṭhayoga à quiconque désire se procurer à volonté des transes et d’autres états psychopathologiques. Il en est dont l’obscénité est répugnante, et qui n’ont d’autre intérêt que d’être un témoignage ajouté à beaucoup d’autres de la facilité avec laquelle le mysticisme s’associe aux pratiques érotiques. Il est d’ailleurs fort probable que bon nombre de ces règles n’ont jamais passé de la théorie dans la pratique. Il suffit par conséquent que quelques spécimens donnent une idée de la méthode recommandée.

Le moyen le plus simple pour entraver la respiration c’est d’intérioriser la pensée et de fixer le regard sur quelque point extérieur[2] : « Quand, ayant absorbé pensée et respiration par la contemplation intérieure, le yogin se tient, la prunelle des yeux parfaitement immobile, et regardant un objet extérieur comme s’il ne le regardait pas, cette mudrā est appelée la Śāmbhavī[3]. » Un autre procédé consiste à fermer les deux canaux qui servent à l’entrée et à la sortie de l’air, l’iḍā et la pingalā ; dans ce but, on presse le cou en appuyant fortement le menton contre la poitrine : jālandhara-bandha (H. Y. Pr. III, 70). Il n’est pas moins nécessaire d’agir sur la suṣumnā ; c’est à cela que sert la khecarī, une des mudrā les plus efficaces : on coupe le fil de la langue ; puis, en mouvant celle-ci en tous sens, et en la « trayant », on l’allonge graduellement jusqu’à ce qu’elle puisse atteindre l’intervalle qui sé-

  1. La H. Y. Pr. énumère et décrit dix mudrā tout particulièrement propres à vaincre la maladie et la mort et à procurer les pouvoirs miraculeux. Il va sans dire que cette partie de la doctrine doit être gardée « comme on garde un coffret de bijoux », et qu’il ne faut la révéler à personne, pas plus qu’on ne révèle le commerce qu’on entretient avec une femme de grande maison (III, 9).
  2. On fixe de préférence un point extérieur du corps. Il faut éviter de cligner de l’œil. Les auteurs font d’ailleurs observer que les yeux cessent tout naturellement de cligner quand l’esprit est intérieurement arrêté sur un objet.
  3. Śambhu est un des noms de Śiva.