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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

les, et que la méditation du yogin doit s’y porter pour faciliter la circulation de l’air dans chacun d’eux[1], nous aurons passé en revue les éléments essentiels d’une doctrine dont l’enfantillage n’a d’égal que le sérieux imperturbable avec lequel on enseigne ce galimatias.

Et cette doctrine, on la répète depuis nombre de générations. Sans doute, certains développements fantastiques n’apparaissent que dans des ouvrages récents ; le rôle de la Kuṇḍalī, par exemple, est exposé dans des textes comme la Haṭhayoga-pradīpikā qui ne doit pas avoir beaucoup plus d’un siècle d’existence. Mais on peut relever dans de vieilles Upaniṣad des témoins de croyances qui sont, à l’état embryonnaire, celles mêmes que nous venons de retracer brièvement. L’Aitareya-upaniṣad (I, 1) enseigne que l’Ātman créa le puruṣa, le tira des eaux, le couva comme un œuf, de manière que s’y manifestèrent la parole, le souffle, la vue ; et puis, pour en être l’âme individualisée, qu’il pénétra dans cet assemblage par la vidṛti, la suture crânienne médiane ; elle fait par conséquent de cette place le point de jonction du parama-ātman et du jīva-ātman. — Nous lisons dans la Chāndogya-upaniṣad (8, 6, 5, sq.) que l’ātman sort du cœur par la suṣumnā et le brahmarandhra, et qu’il s’unit ensuite au brahman. — « Il y a pour le sage, nous dit la Maitrāyaniya-upaniṣad, un exercice encore supérieur : pressant la pointe de sa langue contre le palais et supprimant la parole, l’intellect et le souffle, il contemple le Brahman par le contrôle (de cet exercice)… L’artère appelée suṣumnā, qui fournit le passage à l’air vital, s’élève du cœur interrompue au milieu du palais. Que, par cette artère,

  1. Il y a six cakra : l’ājñācakra, entre les sourcils ; c’est là que se trouve le « nœud de Rudra » ; — le vyomacakra, à l’intérieur de la tête ; — le viśuddhicakra, dans le cou, où se trouve aussi le Viṣṇugranthi ; — l’anāhatacakra, dans le cœur, région du Brahmagranthi ; — le maṇipūracakra, autour du nombril ; — le svādhiṣṭhānacakra, cercle sexuel. « Quand Kuṇḍalī endormie s’éveille… alors tous les « lotus » et tous les « nœuds » sont franchis et dénoués, et la suṣumnā s’ouvre comme une route royale au prāṇa ; alors l’organe pensant est libéré et la mort est trompée » (H. Y. Pr. III, 2, sq.).