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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

Tout d’abord la suṣuṁnā « subtile à l’excès, de toutes la plus secrète ». Est-elle le cordon de la moëlle épinière ? ou la trachée-artère ? ou l’une des grandes artères qui partent du cœur ? Les avis sont partagés, et les indications fournies par les sources sont assez vagues et assez contradictoires pour qu’il soit impossible de trancher la question. Nous apprenons en effet qu’on peut l’obturer en repliant la langue de manière à la presser contre le palais ; mais aussi qu’elle aboutit au sommet du crâne, à la suture médiane, ou encore à la fontanelle antérieure[1]. Ce qui est certain, c’est qu’elle est au milieu du corps, et qu’elle joue un rôle qui est en rapport avec sa situation centrale. Elle est la voie par laquelle l’âme individuelle va s’absorber dans l’Âme Universelle. On l’associe au dieu Brahman.

À droite et à gauche sont deux nāḍī qui servent l’une à aspirer, l’autre à expirer. En règle générale, c’est celle de droite, la pingalā, qui sert à l’entrée, et celle de gauche, l’iḍā, qui sert à la sortie de l’air[2]. La pingalā a le soleil comme divinité ; elle est la matrice des Pères. L’iḍā est sous la domination de la lune ; elle est la matrice des dieux[3]. Si ces données ne sont pas simplement imaginaires, il est possible que ces deux canaux soient les deux artères carotides.

Pingalā et iḍā prennent naissance l’une et l’autre en une région du corps, le kanda, qui est situé à une largeur de main au-dessous du nombril. Elles s’y trouvent dans le voisinage immédiat de l’orifice de la suṣumnā. Toutes deux s’en vont aboutir dans la tête, où elles communiquent l’une avec la narine droite, l’autre avec la narine gauche.

Dans la vie contingente, qui est pour l’homme la vie na-

  1. L’extrémité de la suṣumnā est appelée brahmarandra, l’ouverture ou la fente du brahman. C’est « le siège de Śiva, « le point où la conscience est abolie » ; la H. Y. Pr. le place entre les sourcils. — « L’endroit du front qui est entre les sourcils, là où se trouve la racine du nez, c’est là qu’est le siège de l’immortel, le point de repos de l’univers » (Dhyānabindu-up., 23).
  2. On peut intervertir le rôle des deux artères ; l’essentiel, c’est que l’air sorte par un canal autre que celui par lequel il est entré.
  3. Les dieux, en effet, se nourrissent de soma, ou de lune.