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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

Le mot haṭha signifie effort ; une appellation toute banale, comme on voit, et qui dut paraître bien terne à des gens pour lesquels cet « effort » était la source de biens infinis. Par un de ces expédients d’interprétation qui sont familiers aux esprits avides de symboles et de mystères, les yogins ont coupé le mot et assigné à chacune de ses deux syllabes un sens profond. On enseigna que ha désignait l’air aspiré, ṭha l’air expiré, et comme le premier est la réception, le second l’émission de la vie, on fit de ha le nom du soleil, et de ṭha celui de la lune. Le haṭha symbolisa par conséquent la circulation de la vie dans sa source, le soleil, et dans son embouchure, la lune. Cette explication bizarre a du moins l’avantage d’avertir les intéressés qu’ils apprendront par le haṭha-yoga les procédés mécaniques capables d’agir sur la respiration[1], bien plutôt que la méthode et l’objet de la méditation.

À la base du haṭha-yoga, nous trouvons l’idée que l’homme peut modifier, supprimer même le jeu des esprits vitaux ; qu’il peut à son gré les faire passer par une artère[2] plutôt que par une autre, et que, en détruisant ainsi le contact de l’âme avec le monde extérieur, il réussit à l’isoler et à la sauver. Cette théorie s’appuie sur une physiologie fantaisiste dont il est nécessaire d’indiquer les lignes principales.

L’air circule dans l’organisme au moyen de canaux dont le nombre varie infiniment suivant les textes : 101 disent quelques-uns, 72 000 d’après les plus nombreux, 727 210 201 à en croire ceux qui n’estiment que les gros chiffres. Le nombre des nāḍi vraiment importantes est beaucoup moins grand : 16, ou 11, ou 10, ou 3. Dans le plus populaire des traités sur le haṭha, la Haṭhayogapradīpikā, il n’est tenu compte que de trois ; ce sont celles qui sont intéressées par le travail du yogin.

  1. Au sujet de la diète à suivre, le Haṭha-yoga donne les mêmes règles que les traités qui s’occupent du Rāja-yoga ; il n’impose nullement les jeûnes excessifs auxquels se livrent les faquirs d’aujourd’hui. Ajoutons que la Haṭhayogapradīpikā ne fait pas mention de narcotiques.
  2. Artères et veines sont des canaux, nāḍi, qui servent à la circulation, non du sang, mais de l’air.