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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

fier, doit momentanément revêtir un caractère divin, et pour cela renoncer aux actes habituels de sa vie profane.

Les sādhana, c’est-à-dire les pratiques que prescrit le Haṭha-yoga n’ont pas d’autre objet. Les yogins pressés d’avoir ces transes par lesquelles ils entraient en communion avec le divin, ont fait ce que finissent par faire tous les mystiques : ils ont cherché à les provoquer artificiellement. Ils ont eu recours à des procédés qui ressemblent en partie à ceux qu’emploient les prêtres-sorciers des religions animistes, mais qui dérivent aussi des idées qu’avait accréditées autour d’eux un long développement de la pensée théosophique. Le Haṭha-yoga nous offre ainsi un curieux exemple de la dégradation que subissent les concepts métaphysiques entre les mains de gens qui s’en servent pour des fins pratiques et immédiates.

En tant que systématisation des procédés imaginés pour amener rapidement les phénomènes physiologiques et psychiques qui valent aux yogins une grande réputation de puissance et de sainteté, le Haṭha-yoga est certainement plus récent que le Rāja-yoga ; mais les idées sur lesquelles il repose sont extrêmement anciennes, aussi anciennes que la pratique de la sorcellerie d’une part, et que l’élaboration des premiers concepts théosophiques de l’autre. Une fois qu’il a été constitué en corps de doctrines, on a donné au Haṭha-yoga une place dans l’enseignement de l’école, il a été entendu qu’on commence par le haṭha pour aborder ensuite le Rāja-yoga. Cependant, s’il jouit aujourd’hui d’une faveur très grande, et si, au dire des observateurs, c’est lui qu’appliquent les faquirs qui veulent, par des phénomènes de catalepsie et de mort apparente, capter la vénération des dévots, les protestations se sont élevées de bonne heure contre les enfantillages qui tiennent une place excessive dans cette nouvelle méthode pour faire son salut. « Des règles sur la manière de se tenir et de s’asseoir ne sont d’aucune aide pour le yoga. Tant de détails n’aboutissent qu’à retarder la délivrance[1]. »

  1. Garuḍapurāṇa, cité par le Y. S. S., p. 23.