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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

de procédés exclusivement physiologiques. Une légende que raconte le Yogavāsiṣṭha, semble indiquer au contraire que si le prāṇāyāma est en effet le moment décisif de toute cette discipline, il ne porte cependant les fruits désirés qu’à condition de la lente élaboration psychologique qui doit s’effectuer dans le sujet. Un ascète se retire dans la jungle ; il pratique le prāṇāyāma pendant des années, mais sans résultat. À la fin, il se rend auprès d’un ṛṣi et lui demande de lui enseigner le yoga. Le ṛṣi consent ; il ordonne à l’ascète de rester auprès de lui en qualité d’élève ; mais, pendant deux ans, en dépit de toutes les sollicitations, il se contente de dire : « Attends. » L’autre finit par en prendre son parti, et laisse le ṛṣi tranquille. Douze ans se passent. Le maître fait venir l’élève et lui dit de prononcer le mot om. Or le mot om est formé de trois éléments a, u, m. L’élève fait entendre le son a, et voici que le recaka se fait tout naturellement ; avec le son u, avec la nasale finale, se produisent non moins spontanément le pūraka et le kumbhaka. Et alors comme une étincelle, qui tombe dans un champ d’herbes desséchées par le soleil, le consume en quelques instants, le mot om mit en activité les facultés spirituelles de l’apprenti yogin, qui en peu de temps passa par les quatre dernières étapes du yoga.

On le voit, l’adepte n’est assuré de son salut que si, à force d’exercices, il est devenu maître de son instrument, c’est-à-dire de sa respiration. Mais il en est de cela comme des exercices auxquels un musicien se soumet : ce ne sont pas eux qui font l’artiste, mais sans eux il n’y aurait pas d’artiste. Il est certain que de nombreux adeptes se sont appliqués trop exclusivement à suivre les règles très matérielles, mais très précises, du prāṇāyāma, et qu’ils y ont vu la partie essentielle du yoga ; dans toutes les écoles, il y a des élèves qui, par paresse d’esprit, acceptent les travaux manuels ou mnémoniques les plus fatigants et les plus longs, et qui esquivent le moindre effort intellectuel. Mais c’est une défiguration de la doctrine dont il ne faut pas