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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

homme qui dort, une expiration de l’inspiration suivante, le pūraka doit durer 16 mātra, le kumbhaka 64, le recaka 32[1]. On voit par ces chiffres que l’effort porte surtout sur l’arrêt de la respiration après chaque inhalation. Trois fois par jour, le yogin s’exerce à maîtriser son souffle, jusqu’à ce qu’il puisse faire 80 kumbhaka de suite.

Le prāṇāyāma peut être fécond (sagarbha) ou stérile (agarbha). S’il est accompagné de mantra qu’on répète ou de méditations sur ces mantra, il est fécond : « Quand, retenant son souffle, — c’est-à-dire pendant le kumbhaka, — on répète trois fois de suite la gāyatrī, précédée des vyāhṛti, suivie de la « tête » de la gāyatrī, accompagnée au commencement et à la fin du praṇava, alors vraiment il y a prāṇāyāma »[2] (Īśvaragītā, citée par le Y. S. S., p. 42).

Il semble vraiment qu’il ne valait pas la peine de tourner le dos au ritualisme du sacrifice, avec ses invocations chantées ou murmurées, ses formules propitiatoires et ses émissions de cris à peine articulés, pour aller retomber dans des pratiques tout aussi superstitieuses et peut-être moins inoffensives. On comprend que Sankara ait condamné dédaigneusement toute cette gymnastique de la respiration : « C’est par la méditation et par l’enseignement d’un maître que la vérité est connue, et non par des ablutions, des dons, des centaines d’exercices accomplis dans le but de contrôler la respiration[3]. »

Et cependant il serait injuste de dire que le yoga n’ait consisté pour les théoriciens de l’école que dans l’application

  1. C’est du moins ce que prescrit la Vāsiṣṭha-Saṁhitā. Le Nāradīya-purāna, cité par le Yogasārasangraha donne de tout autres proportions : pūraka, 12 mātra ; kumbhaka 24, recaka 36.
  2. La gāyatrī ou sāvitrī (= Rv. I, 62, 10) est une invocation au dieu Savitar que l’Hindou fidèle murmure debout, au crépuscule du matin, jusqu’à ce que le soleil apparaisse, et assis, au crépuscule du soir, jusqu’à ce que les étoiles soient distinctement visibles.

    D’après la Dhyānabindu-upaniṣad, on doit diriger sa pensée sur Śiva pendant le recaka, sur Viṣṇu pendant le pūraka, sur Brahman pendant le kumbhaka.

  3. Passage cité par Dvijadas, J. R. As. Soc., 1888.