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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

ayant naturellement une prédilection pour les formes, se fixe aisément sur celles de Śiva et de Viṣṇu ; et par là, il devient capable de se fixer sur d’autres idées, et finalement de s’arrêter sur la connaissance discriminative[1]. »

Quant au renoncement, on devine quelle importance y ont attachée les docteurs du Yoga ; ils en ont minutieusement noté les étapes et classé les manifestations. D’une manière générale, il ne s’agit nullement de se détacher de ce qui passe pour précieux, et de s’assurer ainsi un mérite d’autant plus grand que l’acte d’abandon a coûté davantage. L’idée qui a inspiré cette doctrine est tout autre. Le vairāgya « inférieur » se produit quand on constate ce qu’il y a de vain, que dis-je ! ce qu’il y a d’infiniment fâcheux dans ce qu’on regarde communément comme une source de jouissance, ici-bas ou dans l’autre monde[2] ; et le vairāgya « supérieur », quand on a perçu les contradictions inhérentes aux objets qui affectent nos sens, et qu’on s’est rendu compte qu’ils sont la négation du moi. Dans les deux cas, le détachement n’est que le sentiment de satiété (alambuddhi) que donnent les plaisirs et les connaissances illusoires[3].

V. Le Rāja-yoga et l’octuple méthode de la méditation.

Nous savons comment, par la lutte contre les « misères » et les « traverses », non seulement on s’assure l’accès du

  1. Y. S. S., p. 28 ; 2). Les Yoga-sūtra (I, 39) vont jusqu’à laisser l’adepte absolument libre de choisir comme il entend l’objet de sa méditation ; tant il est vrai que c’est une gymnastique de l’esprit pour laquelle le contenu de la pensée est en somme indifférent.
  2. Y. S. I. 15.
  3. Il convient de noter le ton tout à fait stoïcien de la définition du renoncement, reproduite par le Sarvadarśanasangraha : « Le détachement, c’est la pensée : “Ces objets me sont soumis, je ne leur suis pas soumis”, qui surgit chez celui qui ne sent plus aucun intérêt pour les choses de ce monde et de l’autre, parce qu’il perçoit les imperfections qui y sont attachées » (p. 169).