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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

les accidents de la vie physique, intellectuelle et morale de l’homme. Patañjali les a énumérées dans le sūtra I, 30 : « la maladie, la langueur, le doute, l’insouciance, la paresse, l’attachement, la perception erronée, l’insuccès dans l’effort fait pour arriver à une des étapes de la méditation, l’instabilité, — telles sont les distractions de la pensée, et les traverses de la concentration[1] ».

Il importe de se prémunir d’avance contre des distractions qui rendraient impossible tout progrès dans le yoga. Il y a pour cela deux moyens, propres l’un à créer les prédispositions favorables, l’autre à neutraliser les prédispositions contraires ; ce sont l’application, abhyāsa, et le renoncement, vairāgya. L’application tend à renforcer l’activité de l’esprit en ce qui concerne l’objet de sa méditation ; c’est « l’effort fait en vue de la fixité de l’organe pensant ». Le renoncement a pour effet d’émousser au contraire l’activité de l’esprit par rapport aux objets sensibles.

Il y a plusieurs exercices recommandés au disciple qui veut acquérir l’application[2]. En voici deux qui montreront que nous n’avons encore affaire qu’à une propédeutique du yoga. Le premier consiste à penser à des êtres qui ont pratiqué le renoncement ; en effet « quand l’esprit fixe sa méditation sur l’esprit de personnages comme Nārada, il devient, comme l’esprit de Nārada, impassible et stable ; penser à des hommes amoureux, c’est incliner son esprit du côté de l’amour ». L’autre, c’est la contemplation « désirable », par exemple « la contemplation de ces formes de Śiva et de Viṣṇu que l’on désire pour soi-même. L’esprit

  1. La maladie : la fièvre causée par le manque d’équilibre des trois humeurs ; la langueur (styāna) : l’inactivité de l’esprit ; le doute : l’oscillation entre les deux faces d’une alternative ; l’insouciance : le défaut d’attention dans la méditation ; la paresse : la lourdeur du corps, de la parole et de l’esprit ; l’attachement : désirer des objets sensibles ; la perception erronée : prendre une chose pour une autre ; l’instabilité : l’incapacité de l’esprit à se maintenir dans une des étapes de la contemplation, après qu’il l’a conquise (Sarvad., p. 103 ; cf. Aniruddha, ad S. S., p. 269).
  2. Ces exercices sont appelés parikarman : appropriation, épuration.