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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

rance ; car elle est le sol sur lequel poussent toutes les autres ; qu’on la détruise, et les kleśa sont anéantis.

Mais est-il possible à l’homme, tant qu’il est un être incorporé, de lever des obstacles qui tiennent à la misère de sa nature ? L’auteur du Yogasārasangraha ne parle que d’atténuation[1], et les moyens que l’école propose montrent qu’on ne peut agir sur eux qu’indirectement. Il y a trois remèdes à ces maux, constituant ensemble ce qu’on appelle la discipline yogique, le kriyāyoga (Y. S. II, 1 ; 2) ; ce sont les mortifications, l’étude et la dévotion. « Dessécher son corps par la voie de la sainte règle, par le jeûne difficile, etc., c’est la plus haute des mortifications » (Sarvadarś., p. 169[2]). L’étude doit porter sur les textes védiques et sur les tantra[3]. La dévotion, c’est de remettre tous ses actes, sans égard à leur fruit, au Seigneur suprême ; c’est de pouvoir dire : « Tout ce que je fais, bon ou mauvais, volontaire ou involontaire, je le fais poussé par Toi » (Sarvad., p. 171).

Les kleśa sont des entraves générales qui rendent difficiles les accès du yoga. Il y faut ajouter tout ce qui, au cours des exercices, paralyse ou annule les efforts de l’apprenti yogin[4]. Ce sont là des « traverses », antarāya, qui toutes ont leur source immédiate dans la mobilité innée de l’organe pensant, et qui peuvent surgir à l’occasion de tous

  1. kleśatanūkaraṇa.
  2. C’est une citation de Yājñavalkya.
  3. Les tantra sont les écritures propres à chaque secte ; ils contiennent en particulier ces puissantes formules qui procurent à ceux qui les répètent et les méditent des facultés surhumaines. — Au nombre des exercices prescrits en vue du yoga figure l’obligation de réciter sans cesse et d’une seule haleine certaines formules célèbres comme la gāyatrī avec sa tête : « om, les eaux, la lumière, le suc, l’ambroisie, le brahman, om ». — Comme le dit une des Upaniṣad rattachées au yogisme, « en ceci, il n’y a jamais d’excès » (Amṛtabindu-Up.). Comme c’est précisément le contraire de ce qu’avaient enseigné les Brāhmaṇa (voir plus haut, p. 32), nous prenons sur le fait une différence caractéristique entre le ritualisme et l’individualisme religieux.
  4. Il va sans dire que les empêchements peuvent se produire non seulement dans la période préparatoire, mais aussi longtemps que le but définitif n’est pas atteint. C’est ce que signifie le S. S. VI, 20 : « L’affranchissement, c’est la suppression des traverses. »