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la théosophie brahmanique

Il est unique. Il ne connaît ni la souffrance, ni le désir, ni la fructification des actes. Aucune modification, vṛtti, ni réelle, ni apparente, ne se produit en lui au contact du monde extérieur ; et, par conséquent, aucune prédisposition, saṁskāra, ne détermine le cours d’une existence qui demeure éternellement la même. Tandis que, dans les autres âmes, la science ne se trouve qu’à l’état de semence, la toute-science d’Īśvara est parfaite. C’est lui qui communique aux dieux, aux élus, la vision spirituelle, jñānacakṣus : il est le maître, le guru des anciens maîtres. Sa manifestation, ou plutôt sa révélation mystique, c’est la syllabe om (Y. S., I, 27), pourvu qu’on la prononce avec justesse et avec une intense application de la pensée. La création du monde contingent se fait par un simple acte de sa volonté. Pour qu’il prenne conscience de lui-même et qu’il agisse, il faut qu’il soit de quelque façon associé à la prakṛti ; mais des trois guṇa, c’est le sattva, la bonté, qui, à l’état de pureté absolue, constitue sa nature et cela de toute éternité.

Īśvara écarte les obstacles qui s’opposent à l’acquisition du salut. Pour acquérir la connaissance suprême, le yogin doit s’abandonner entièrement à Dieu, qui l’amènera à bon port ; c’est ce que les textes appellent praṇidhāna, la dévotion[1]. Cependant, si le salut n’est possible que grâce à l’intervention d’Īśvara, il ne consiste point en une union avec lui ; les puruṣa ne sont pas moins indépendants les uns des autres après le salut qu’avant. L’être sauvé est en dehors de Dieu.

En possession de la plénitude de la félicité, Īśvara n’a

    autres ? Le double fait que Dieu est de toute éternité en possession de la toute-science, et que, associé à la prakṛti, il n’est lié qu’au sattva pur, met le puruṣa-Īśvara infiniment au-dessus des autres âmes.

  1. D’après le commentaire de Vyāsa, le praṇidhāna c’est à remettre tous ses actes au Guru suprême, ou renoncer au fruit de ses actes ». Le Yogasāra définit ainsi ce terme : « C’est la pensée dirigée vers Īśvara, en commençant par le praṇava (om, le symbole de Dieu) et en finissant par sa vue directe » (p. 19).