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histoire des idées théosophiques dans l’inde

est la partie la plus caractéristique et la plus féconde du Yoga, n’a pas d’autre point de départ.

De ce que l’on peut relever dans la littérature védique, entendue au sens le plus large, de nombreux témoins de concepts analogues à ceux qui règnent dans le Yoga, il ne faudrait pas conclure que tous ces concepts sont d’origine brahmanique, ni qu’il n’y a dans le Yoga que des éléments brahmaniques. Cette recherche de facultés surnaturelles, à laquelle le Yoga attache tant d’importance, les Upaniṣad ne la connaissent point. L’Inde brahmanique est en principe intellectualiste ; et, dans la théosophie qui dérive directement du Véda, l’acquisition de pouvoirs magiques n’a jamais été qu’une plante parasite[1]. Pour le bouddhisme aussi, ces pratiques sont une superfétation. Il n’est pas douteux cependant que ces prétentions thaumaturgiques ne soient très anciennes et n’aient été de tout temps fort populaires. N’oublions pas que le brahmanisme est loin de constituer l’Inde, et même l’Inde aryenne, tout entière, et que le brahmane lui-même a été à l’origine un sorcier et non pas un mystique ou un théosophe. Dans les Upaniṣad, et c’est leur très grand honneur, cette idée toute matérielle du pouvoir conféré par l’ascétisme, a fait place à une conception spirituelle : c’est à la science, et non à des facultés surhumaines qu’on atteint par une intense méditation. Mais le peuple a toujours cru à la puissance des sorciers ; et le brahmanisme, subissant en ceci, comme sur tant d’autres points, l’influence d’idées universellement répandues, bien loin de combattre les basses pratiques de la magie, leur a fait de bonne heure une place dans sa littérature sacrée et traditionnelle. Et non seulement il s’est fait le théoricien de cette discipline et lui a fourni la base rationnelle qui lui donnait l’apparence d’une science, mais encore, apportant dans ce domaine les habitudes de son esprit analyste et systématique, il a classé les

  1. D’après Śankara, les passages de la Śruti qui parlent de l’acquisition de puissances surhumaines, concernent tous le ciel, le séjour auquel mène la connaissance inférieure, celle du brahman qualifié (ad. Ved. S. IV, 4, 11).