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histoire des idées théosophiques dans l’inde

le divin, il faut, en effet, commencer par s’épurer, se simplifier. Il en est donc de la discipline ascétique comme de l’initiation, qui a pour effet de conférer à celui qui en est l’objet un caractère surnaturel, et qui est toujours accompagnée de mortifications. Le tapas, et le yoga qui s’y rattache très étroitement, arrachent, eux aussi, l’homme aux conditions naturelles de son existence, pour lui assurer le « mieux », śreyas, c’est-à-dire une vie où, en communication directe avec la divinité, il sera soustrait aux misères du saṁsāra. Et puisque le salut que se proposait la théosophie brahmanique était aussi une identification avec l’Être suprême, les anciennes Upaniṣad, tout en poursuivant en général ce but par le savoir, associent quelquefois les pratiques de l’ascétisme à leurs principes intellectualistes : c’est par le tapas de plus en plus intense que Bhṛgu est arrivé à la connaissance du Brahman (Taitt. Up. 3).

La vertu salutaire de l’ascétisme a bien plus contribué à en généraliser la pratique que l’espérance d’obtenir une puissance immédiate. Le véritable ascète se garde en effet de déployer les facultés merveilleuses qu’il doit au yoga. Il lui suffit de savoir qu’il les possède. Les manifester, s’en targuer aux yeux du vulgaire, ce serait perdre le bénéfice infiniment plus précieux qu’il compte retirer de ses mortifications et de ses renoncements. Il en est de ceci comme de tous les mouvements passionnés. Un accès de colère, un désir trop violent ruinent le mérite accumulé par bien des années d’efforts surhumains. On dirait que la force emmagasinée par le tapas est semblable à celle dont on charge une batterie électrique : la manifestation quelque peu violente d’un sentiment supprime l’état de tension. Les prouesses merveilleuses que l’on fait grâce au tapas, ne peuvent de même être exécutées qu’aux dépens d’un but supérieur.

L’ascétisme chrétien, on le sait, repose sur d’autres idées. C’est le spectacle de leur misère et de la misère d’autrui, c’est la haine de tout ce qui se rattache à la chair et à la