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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

grand attachement à l’existence, une non moindre appréhension de la mort : « Tous les êtres se réjouissent quand est venu leur temps », c’est-à-dire le moment où ils se manifestent par la vie (Ath. XIX, 53, 7). Le démon de la mort est appelé Mṛtyu Pāpman[1], « la mort qui est le malin » ; c’est l’ennemi irréconciliable de Prajāpati, de la nature vivante ; c’est à lui que Prajāpati doit arracher les créatures. Pour tous les hommes sans distinction, le séjour de la mort est un lieu sombre et terrible : « Ne va pas par ce chemin : il est effrayant. Ce chemin par lequel tu n’es pas encore allé, c’est celui-là que je veux dire. Ce sont les ténèbres ; à homme, n’y descends pas ! Là-bas, c’est la terreur ; ici près, la sécurité » (Ath. VIII, 1, 10)[2]. S’adressant à un malade qu’il veut arracher à la mort, le prêtre sorcier lui dit :« Lève-toi de la mort profonde, des noires ténèbres » (ib. V, 30, 11). Quant aux Brāhmaṇa, s’ils promettent à ceux qui pratiquent leurs devoirs rituels une bienheureuse existence d’outre-tombe, ils n’affectent nullement le dégoût de la vie présente. Obtenir la pleine vie est la récompense attendue par celui qui sait. Le sacrifice fait monter au ciel le sacrifiant, mais « comme cette terre est un séjour sûr », d’autres oblations assurent son retour ici-bas (Śat. Br. IX, 1, 3, 32 sq.). — « L’Année assurément est la même chose que la mort. Car Prajāpati[3] est celui qui, par le moyen du jour et de la nuit, détruit la vie des mortels ; et alors ils meurent. C’est pourquoi l’année est la même chose que la mort ; et quiconque sait que l’année, c’est la mort[4], cette (année) ne détruit pas sa vie par le jour et par la nuit, avant un âge avancé, et il atteint la pleine vie » (Śat. Br. X, 4, 3, 1).

  1. Par exemple, Ath. XVII, 1, 29.
  2. « Puis-je obtenir La lumière vaste et sûre, ô Indra ! Que les longues ténèbres ne nous atteignent pas ! » (Rv. II, 27, 14.)
  3. Sur l’identification de Prajāpati et de l’année, voir, plus haut, p. 25.
  4. En vertu de ce principe que l’être dont on connaît la vraie nature, cesse d’avoir prise sur vous.