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Un de ces caractères, le second, a été de tous le plus stable : les théosophes hindous ont été des voyants. Cela étant, on se demandera sans doute comment il se fait que des doctrines qui procèdent de brusques illuminations puissent être étudiées historiquement, c’est-à-dire dans la succession et l’enchaînement de leurs diverses manifestations. Une illumination, une révélation, n’est-elle pas quelque chose d’absolu et de définitif ? Et n’est-ce pas quand elle est acquise douloureusement à l’aide des procédés de la logique ordinaire, que la vérité, par le fait même qu’elle est toujours relative et provisoire, se laisse ramener à des séries évolutives ?

Les documents dont nous disposons répondent d’eux-mêmes à ces questions. Nous reconnaîtrons que les révélations de Kṛṣṇa dans la Bhagavad-Gîtâ n’ont guère fait que reproduire, sous une forme particulièrement émouvante, des idées qui sont beaucoup plus anciennes que ce poème ; — nous verrons que le bouddhisme n’a pas été très original en fait de doctrines, et qu’il est redevable aux philosophies brahmaniques des principaux éléments de son système ; — nous trouverons l’origine des thèses les plus caractéristiques des vieilles Upaniṣad dans le développement très naturel d’idées qui sont à la base de la théologie védique. L’intuition, dans ces écritures, consiste essentiellement dans la tranquille intrépidité avec laquelle on y juxtapose les affirmations les plus contradictoires ; dans le désordre d’une pensée qui procède par bonds ; dans le mélange continuel des conceptions les plus sublimes et des rêveries les plus absurdes ; dans la merveilleuse richesse des images et des comparaisons qui, souvent saisissantes et parfois vraiment évocatrices, se substituent presque partout au raisonnement ; enfin, dans la création de formules admira-