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L’histoire religieuse de l’Inde nous offre d’abondants exemples de ces idées qu’on respire avec l’air dans lequel on vit, et qui sont en quelque sorte entrées dans la substance de l’âme collective. Une fois qu’elles ont reçu droit de cité, on les retrouve, altérées quelquefois, le plus souvent immuables, jusque dans des créations qui semblent à première vue tout à fait originales. Ce que furent ces idées, comment elles ont pris naissance, comment elles ont évolué, comment elles ont passé d’un système à l’autre, parfois pour le plus grand dommage de la cohérence et de la logique des doctrines, comment enfin elles ont lentement façonné une mentalité qui nous paraît à la fois singulièrement attirante et lointaine, telles sont les questions qu’à la lumière des textes originaux, je me propose d’examiner dans les pages qui suivent.

Ces idées directrices de la civilisation hindoue, ai-je eu raison de les appeler théosophiques ?

Il y a longtemps que ce mot de théosophie met en défiance les esprits pondérés et prudents. Son discrédit est devenu tout particulièrement grand en ces dernières années, où l’on vit ce pavillon couvrir les plus étranges marchandises : un alliage de mysticisme et de charlatanerie, et des prétentions thaumaturgiques qui venaient, d’une manière fort inattendue, s’associer à un souci presque puéril d’appliquer aux choses transcendantes la méthode et la terminologie scientifiques.

Or, comme on sait, les apôtres du nouvel évangile occultiste ont affecté de demander à l’Inde la solution des problèmes de la vie et de la mort. En leur personne, l’occident s’est une fois de plus assis aux pieds des docteurs orientaux, demeurés, disait-on, les fidèles dépositaires d’une sagesse