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déesses telles que Brahmi, Kâlî, Gaurî, Ambikâ et Padmâvatî. Par une conséquence naturelle le rituel fit son apparition, des sacrements furent administrés et des fêtes célébrées. Ces manifestations liturgiques furent d’ailleurs confiées à des Brâhmanes, les moines jaïnas ne se réservant que l’enseignement doctrinal. Aux premiers temps, les adeptes récitaient une formule de soumission ou d’hommage aux Tîrtliakaras. Dans la suite cette formule se changea en hymne et même en prière.

Dans ces conditions il était douteux que la doctrine jaïna restât ce qu’elle était à l’origine. De fait l’athéisme initial inclina vers une sorte de semi-théisme. Cette transformation est déjà sensible au xiie ou au xiiie siècle. D’après l’introduction au célèbre poème tamoul intitulé Śindâmaṇi, il existe en effet un dieu suprême, incréé, éternel, omniscient et tout puissant. Ce dieu conserve encore le nom d’Arhat ou de Jina. Il n’est pas créateur, mais possède tous les autres attributs d’un dieu personnel. On le représente avec quatre visages, assis sous un arbre aśoka, à l’ombre d’un parasol.

De nos jours enfin, les Jaïns se défendent contre le reproche d’athéisme. C’est l’opinion qu’on se forme par exemple à la lecture d’un intéressant article publié dans le Calcutta Review par M. Rickhah Dass Jaini[1].

« Demandez, dit-il, à un Jaïn s’il croit à l’existence de Dieu. Sa réponse certes ne saurait être qu’affirmative. Son dieu possède quarante-six attributs positifs et dix-huit attributs négatifs. La seule différence qui existe entre les Jaïns et les autres religions théistes, c’est qu’ils n’attribuent pas à Dieu le pouvoir de créer ou de détruire, de punir ou de récompenser. » À la vérité le dieu actuel des Jaïs n’est autre que le principe vivant, l’âme, le jîva, délivré des liens

  1. Rickhah Dass Jaini, The Doctrine of Jainism (Calcutta Review, vol. 107 à 112, en particulier, vol. 107, p. 389, et vol. 108, p. 338).