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étant d’accord sur le but à atteindre, suivent-ils une voie différente pour le réaliser.

Les préceptes moraux enseignés par les Bouddhistes sont au nombre de dix. Les six derniers sont d’ordre secondaire et concernent des particularités. Les quatre premiers, au contraire, sont l’essence même de la morale bouddhique. Ils sont analogues aux quatre premiers des cinq grands vœux jaïnas. Toutefois, ici encore, l’analogie ne signifie pas que les Jaïns soient redevables aux Bouddhistes d’une partie de leur morale.

Ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas voler, demeurer chaste : ces prescriptions étaient imposées aux anachorètes brâhmaniques, et c’est à ceux-ci que les moines bouddhistes et jaïnas les ont empruntées. Mais il est pour les Jaïns un cinquième précepte : celui de renoncer à toute chose. Ce vœu ne se retrouve pas chez les Bouddhistes, et il donne à la morale jaïna le caractère de sévérité que nous lui connaissons. Il est en effet le principe de cet ascétisme que pratiquent les Jaïns et qu’ils poussent parfois jusqu’à l’extrême limite, le suicide par inanition. Les Bouddhistes sont plus indulgents à l’égard d’eux-mêmes. Sans tomber dans le relâchement que leur ont reproché parfois leurs rivaux, ils se gardent de l’extrême contraire et s’efforcent de se tenir toujours dans une moyenne raisonnable, en harmonie avec la nature humaine. Pour eux, comme pour Aristote, la vertu consiste en un juste milieu.

Il est un dernier point sur lequel il convient enfin de retenir l’attention. Il s’agit de la définition du Nirvâṇa. En ce qui concerne les Bouddhistes, on admet aujourd’hui, avec M. Oldenberg[1], que « la doctrine orthodoxe de l’ancienne Communauté demandait expressément à ses fidèles de renoncer à rien savoir de l’existence ou de la non-existence

  1. H. Oldenberg, Le Bouddha, trad. franç. A. Foucher, 2e édition, 1903, p. 274-275.