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de chaque jour. Elle n’en garde pas moins un caractère d’austère grandeur, en exigeant de l’individu tout ce qui rend l’âme forte, compatissante et résignée.


V

Pendant trop longtemps on a considéré le Jaïnisme comme une des sectes les plus anciennes du Bouddhisme. En conséquence on lui reprochait de manquer d’originalité. Cette opinion a été soutenue par des savants d’une haute autorité, entre autres Lassen et Weber.

Les arguments de Lassen[1], il faut l’avouer, paraissent aujourd’hui puérils, et M. Jacobi en a fait justice[2].

1. Les Jaïns comme les Bouddhistes, disait en premier lieu Lassen, donnent à leurs prophètes les mêmes épithètes et les mêmes titres honorifiques, tels que ceux de Siddha, Jina, Buddha, Arhat, Tathâgata, Sarvajña, Sugata, etc.

Ces noms, on le sait, ne sont spéciaux ni aux Jaïns ni aux Bouddhistes. Ils appartiennent au vocabulaire général de l’Inde pour désigner un être parvenu à l’affranchissement final. En outre, dans cette série de termes synonymes, les Bouddhistes comme les Jaïns ont fait en quelque sorte leur choix, et ce choix n’est pas identique. Le Buddha, outre ce qualificatif qui lui est devenu pour ainsi dire personnel, est encore appelé Sugata ou Tathâgata. Au contraire, le vingt-quatrième prophète des Jaïns, Vardhamâna, reçoit en général le nom de Mahâvîra ou de Vîra. Comme les autres prophètes ses prédécesseurs, il est un Tîrthakara, et ce titre, honorifique pour les Jaîns, désigne dans l’esprit des Bouddhistes un fondateur de secte hérétique : antithèse qui marque suffisamment combien les deux religions, dans leur vocabulaire déjà, sont loin de se ressembler.

  1. Ch. Lassen, Indishe Alterthumskunde, vol. IV, 1861, p. 763-765.
  2. H. Jacobi, Jaina Sûtras translated, Part 1, p. xix et suivantes.