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En plus d’un passage, les écritures bouddhiques parlent de la secte des Nirgranthas comme d’une des plus importantes à l’époque où le bouddhisme prit naissance. Sous plusieurs aspects, les croyances des Nirgranthas présentent la plus complète analogie avec celles des Jaïns. Les deux écoles accordent la première place à la vie ascétique comme moyen de détruire les effets du karman et d’atteindre à la Délivrance. La théorie du kriyâvâda, en vertu de laquelle l’âme est directement affectée par les actions et les passions, leur est commune, comme aussi la doctrine du péché et du daṇḍa ou châtiment. Certaines pratiques enfin se retrouvent identiques d’une et d’autre part, le jeûne, par exemple, et surtout le respect des êtres vivants, même les plus intimes. En général, dans les livres bouddhiques, lorsqu’il est fait mention de ces croyances, c’est au Nigaṇṭha Nâtaputta, c’est-à-dire à Mahâvîra, qu’elles sont attribuées. Mais il appartient à M. Jacobi d’avoir montré que la secte des Nirgranthas existait avant Mahâvîra[1]. Selon toute vraisemblance, elle avait été l’ondée par Pârśva, le vingt-troisième et l’un des plus vénérés parmi les prophètes du Jaïnisme. Il n’est plus guère douteux, en effet, que Pârśva fut un personnage historique. D’après la tradition jaïna, il aurait vécu cent ans et serait mort 250 ans avant Mahâvîra. Sa période d’activité correspondrait ainsi au commencement du viiie siècle avant l’ère chrétienne. Son école ne devait pas manquer d’importance au vie siècle av. J.-C, au moment où Mahâvîra commença sa prédication. Les parents de ce dernier étaient adeptes de la religion de Pârśva. Parvenus à un âge avancé, ils s’étaient laissés périr d’inanition, la mort des saints suivant cette religion. Mahâvîra lui-même fut donc instruit dans les doctrines de Pârśva et il n’est pas étonnant qu’il en ait retenu la plupart des dogmes.

  1. H. Jacobi, Jaina Sûtras translated, Part II (Sacred Books of the East, vol. XLV, Oxford, 1895). p. xv-xxii.