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où, s’affranchissant enfin, elle s’unit à l’Âtman suprême, à Brahma. Alors elle atteint à la Délivrance.

La Délivrance, voilà donc le terme qui résout l’antithèse de Brahma et de l’univers.

Sous l’influence de ces idées, on s’efforçait naturellement de se dégager de tout lien et de toute entrave. Les moyens de se détacher ainsi des choses de ce monde étaient variés. Quelques-uns même frisaient la fantaisie. Pourtant un des plus simples et des plus réalisables consistait à vivre à la façon d’un moine mendiant.

Suivant les prescriptions de la religion brahmanique, l’état d’anachorète comptait parmi les quatre âśramas ou stades successifs de l’existence humaine. Au début donc, les ascètes errants, les Sannyâsins, comme on les appelait, se recrutèrent dans la caste la plus cultivée, celle des Brâhmanes.

Mais, quelque supériorité que s’attribuât cette classe sociale, elle ne pouvait revendiquer comme un monopole la recherche de la Délivrance. Au même titre qu’un Brâhmane, les membres des autres catégories possédaient la faculté de devenir anachorètes, ascètes ou mendiants. Peu à peu des maîtres qui n’étaient pas des Brâhmanes apparurent, annonçant la bonne nouvelle et montrant le chemin de la Délivrance. Ainsi se constituèrent des ordres tels que ceux des Jaïns et des Bouddhistes, qui s’adressaient de préférence aux Kṣatriyas et se recrutaient dans cette caste des princes et des guerriers. Encore ne faisaient-ils preuve d’aucun exclusivisme et acceptaient-ils volontiers dans leur sein des représentants des classes inférieures.

On imagine sans difficulté que ces communautés non brâhmaniques furent regardées avec dédain et tenues à l’écart par les ascètes appartenant à l’orgueilleuse caste des Brâhmanes. La scission ne tarda sans doute pas à s’effectuer, et ces communautés se posèrent en sectes indépendantes à côté