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tradition, 4.200 moines, sans compter les adeptes laïques dont le nombre augmentait avec les années.

Lorsque le maître s’éteignit, à Pâwâ, en 527 av. J.-C, selon la date la plus accréditée, un seul de ces onze disciples lui survécut. C’était Sudharman. Mais alors l’œuvre était accomplie. Le Jaïnisme était pourvu d’une organisation et d’une discipline telles qu’il n’avait rien à redouter des siècles à venir. De fait il s’est développé d’une façon continue, et de nos jours il est seul à représenter sur la terre de l’Inde ces ordres monastiques pourtant si nombreux qui, au VIe siècle avant l’ère chrétienne, manifestèrent autant d’hérésies par rapport à l’unique religion orthodoxe, le Brâhmanisme.


II

Quelle était donc la signification de ces communautés religieuses, dont la plupart n’eurent qu’une existence éphémère ?

Les spéculations philosophiques qui avaient cours dans l’Inde au temps de Mahâvîra, et dont l’origine remontait aux idées déjà lointaines de l’âge védique, aboutissaient à une antithèse d’une singulière puissance.

D’une part l’Être un et universel. Qu’il s’appelât l’Âtman ou Brahma, suivant l’opinion ou le moment, il possédait la plénitude des attributs et des perfections. C’était l’Être un et simple, éternel et infini, universel et immuable, amorphe, ineffable et incompréhensible, cause de tout changement ; en un mot l’Être impersonnel, suprême et bienheureux.

D’autre part le monde, multiple et changeant, dans un perpétuel devenir, le monde, domaine de la douleur.

Et c’est dans ce monde misérable que l’âme humaine, l’âtman individuel, est emprisonnée. Par le karman, par les œuvres, elle est soumise à l’incessante transmigration, au tourbillonnement (saṃsâra) des existences, jusqu’au jour