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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

quent l’œuvre du yoga[1]. Ajoutons que la préoccupation de la mort qui caractérise la théosophie dans tous les temps et sous toutes les latitudes, ne fait point défaut à l’école issue de Patañjali. Un des facteurs de cette sérénité de l’âme qu’on y promet à l’adepte, c’est précisément la cessation de la peur de mourir : « Tant que le souffle est réprimé, tant que l’esprit est apaisé, tant que le regard est dirigé vers l’intervalle des deux sourcils, comment pourrait-on craindre la mort ? » (H. Y. Pr. II, 40). — Celui qui sait, par une attitude appropriée, mettre en mouvement la Kuṇḍalinī, « fût-il dans la gueule de la mort, comment pourrait-il craindre la mort ? » (ib. III, 116). — « Le disciple qui attentif à l’enseignement de son maître, s’adonne à la pratique répétée des mudrā, outre les pouvoirs occultes, acquiert le moyen de tromper la mort » (ib. III, 130).

Quant aux délices que procure l’extase, cette anticipation de la délivrance définitive, il va sans dire qu’on les célèbre plus qu’on ne les décrit. « Quelle est la béatitude de l’esprit dont les impuretés ont été lavées par la méditation et qui s’est absorbé dans l’ātman, aucune voix ne peut la décrire ; il faut l’avoir sentie soi-même par l’organe interne » (Maitr. Up. 6, 34). Il est du moins significatif qu’un des noms les plus usités de cet état ineffable de l’âme, c’est manonmant-avasthā « la désintellectualisation de l’intellect ». Quand il est dans le ravissement de ses extases, « le Yogin n’entend plus ni le son d’une conque, ni le bruit d’un tambour, et son corps a l’insensibilité d’une souche » (H. Y. Pr. IV, 106) ; « il ne perçoit ni saveur, ni odeur, ni contact, ni son, ni forme, ni couleur ; il ne se connaît plus lui-même, ni ne connaît autrui » (ib. 109) ; « il ne sent ni le chaud, ni le froid, ni la douleur, ni le plaisir, ni le mépris, ni le respect » (ib. 111) ; « il est invulnérable à

  1. Un exemple caractéristique du point de vue « amoral » auquel se placent les docteurs du Yoga, nous est donné par le sūtra 11, 28. qui recommande la chasteté comme une productrice de vigueur, et par conséquent comme influant d’une manière indirecte sur la puissance spirituelle du yogin.