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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

son organe interne, et les résidus antérieurs (les saṁskāra) sont stérilisés.

Chez le yogin qui est parvenu au degré supérieur, et qui, en toutes choses, agit sans attachement et sans désir, la lumière de l’âme acquiert sa plénitude, et rien ne vient plus troubler sa bienheureuse contemplation. C’est ce courant ininterrompu de pur discernement que le sūtra (IV, 29) appelle « le nuage de mérite » dharmamegha ; il arrose en effet ce samādhi et en assure le plein épanouissement.

Débarrassé de son fatras scolastique, cette théorie de l’activité spirituelle du yogin se ramène à deux termes essentiels, qui sont d’une part la tranquillité, d’autre part le ravissement de l’âme.

L’influence calmante de la discipline yogique se fait sentir dès le début des exercices. Ainsi que l’enseigne le sūtra I, 34[1], l’émission et la rétention du souffle concourent à tranquilliser l’esprit. L’apaisement se fait toujours plus grand à mesure qu’il y a progrès dans la voie du salut. Par l’effet même de la méditation, c’est le sattva, la bonté, qui prend le dessus dans la nature du yogin ; de là cette quiétude qui le caractérise, et la félicité dont il jouit : « Par l’application au yoga, on obtient contentement, endurance des contrastes, tranquillité de l’âme » (Maitr. Up. 6, 29). Tout alors lui devient indifférent. Dans le monde physique, d’abord : « Il n’y a plus pour lui d’aliments prohibés ou prescrits ; tous les sucs sont pour lui sans suc ; absorbât-il un violent poison, il le digérerait aussi bien que du lait » (H. Y. Pr. III, 16). Dans le monde moral aussi : « La méditation du yogin libère de tous les péchés, quand même le péché s’étendrait sur de nombreux yojana[2] » (Dhyānabindu-up. 3). S’il doit cependant s’abstenir encore des actes qui sont des péchés aux yeux de l’homme vulgaire, ce n’est pas parce qu’ils sont mauvais en soi, mais parce qu’ils constituent autant d’idées adverses et compromettent par consé-

  1. Voir aussi Y. S. S., p. 27.
  2. Un yojana équivaut à peu près à onze kilomètres.