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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

l’âme ; 7o maintenant que je suis délivré des guṇa et de la prakṛti, « je suis celui que je suis »[1].

S’il y a sept stations dans la voie de l’intégration absolue de l’âme, on connaît d’autre part quatre grades par lesquels les yogins passent successivement dans leur ascension vers le salut[2]. Le premier degré est celui du prāthamakalpika : la lumière vient d’entrer dans l’esprit du yogin, mais sans le mettre encore en possession de la connaissance des êtres en leur état subtil. Puis vient le madhubhūmika : la pensée est toute « bonté », car le détachement et l’application l’ont débarrassée de toute trace de « passion » et de « ténèbres » ; le yogin entre alors en possession de « la connaissance adéquate au réel », il a le ṛtambharajñāna (Y. S. I, 48), c’est-à-dire un savoir qui n’est jamais altéré par l’erreur. Le prajñājyotis est un yogin du troisième degré ; il tient en sa domination les sons et les éléments, c’est-à-dire tous les êtres dans leurs trois modes d’existence, passé, présent et futur. Au sommet de l’échelle, enfin, l’atikrāntabhāvantya caractérisé par le « détachement suprême », paravairāgya ; le yogin est alors soustrait à toute modification nouvelle de

  1. Le commentateur de la Haṭha-yoga pradīpikâ cite une tout autre classification des bhūmi de la connaissance ; je la reproduis parce qu’il l’emprunte au Yogavasiṣṭha, un ouvrage qui jouit d’une très grande autorité dans l’école : 1re étape, la śubhecchā, « le désir de ce qui est excellent » : on distingue l’éternel du caduc ; on se détache de ce qui est extérieur ; on aspire avec ardeur au salut ; 2e étape, la vivāraṇā, « la connaissance discursive » : on sait tout ce qu’on peut connaître par l’enseignement de la réflexion ; 3e étape, la tanumānasā, « la réduction du manas » : l’esprit laisse le multiple et s’attache à l’Être un : 4e étape, la sattvāpatti, « l’acquisition de l’état de sattva » : la « bonté » règne pure dans l’organe interne ; 5e étape, l’asaṁsakti-bhūmi, « le non-attachement » : indifférence à l’égard des pouvoirs occultes que le yogin possède à ce moment ; 6e étape, la parārthā (ou padārthā-) bhāvinī : les objets externes n’existent plus pour le yogin ; 7e étape, la turyagā bhūmi : le yogin n’est plus exposé, ni du dehors, ni du dedans, à aucune interruption de son samādhi.
  2. La théorie des bhūmi et celle des quatre catégories de religieux (les 4 mārga) se retrouvent dans le bouddhisme. — Prāthamakalpika : celui qui est dans la 1re période ; madhubhūmika : celui qui se trouve dans « la terre de miel » ; prajñājyotin : celui qui a la lumière de la sagesse ; atikrāntabhāvantya : celui qui a dépassé ce qu’il lui fallait réaliser.