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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

aux yogins la « prospérité corporelle », c’est-à-dire « la beauté, la grâce, la force, la solidité adamantine, l’immunité par rapport aux propriétés des éléments » (p. 56).

Le Haṭhayoga s’occupe au contraire très copieusement de ce genre de services, et la complaisance avec laquelle un livre comme la Haṭhayogapradīpikā insiste sur les avantages physiques que procurent les āsana et la réglementation du souffle, indique une fâcheuse tendance à prendre ces avantages comme but, et non pas comme moyen. On y enseigne que telles postures activent la digestion, que telles autres guérissent l’hydropisie, les ulcères, la consomption, la lèpre, voire les rides et les cheveux blancs. Voici, par exemple, la cure par le trāṭaka : « D’un œil immobile, fixez attentivement un tout petit objet jusqu’à ce que les larmes vous viennent aux yeux, et vous serez délivré des ophtalmies et aussi de la paresse. Gardez précieusement cette ordonnance comme une cassette qui contient de l’or » (II, 31). Toutes les opérations que nous avons rencontrées tout à l’heure, et toutes celles que nous avons dû omettre, ont leurs vertus curatives. C’est ainsi que la dhauti fait disparaître la toux, les affections de la rate et d’autres maladies occasionnées par les phlegmes ; la neti purge la tête et rend la vue plus perçante ; la nauli active la digestion et guérit diverses maladies provenant des humeurs. Et non pas seulement la santé, mais aussi la jeunesse et la beauté sont l’apanage des yogins habiles à pratiquer le haṭha-yoga : « En obligeant l’apāna à remonter vers la tête, et le prāṇa à descendre du gosier, on retrouve la vigueur d’un jeune homme de seize ans » (II, 47). Mettre la langue entre les lèvres, aspirer l’air de manière qu’il siffle en entrant dans la bouche et le chasser ensuite par le nez, c’est une variante de kumbhaka qu’on appelle sītkārt[1] ; il suffira que l’on répète fréquemment cet exercice pour être un second dieu de l’amour (II, 53). En somme, « un corps sans embonpoint, une paisible expression du visage, une claire perception des bruits in-

  1. Appelée ainsi parce que l’air « fait sīt » en entrant dans la bouche.