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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

matérielle dans la buddhi), mais si elles appartiennent en puissance à tous, chez la plupart d’entre eux elles sont voilées par la « passion » et les « ténèbres » (Vijñ., p. 78).

D’une manière générale, le yogin peut tout ; il lui suffit de vouloir pour réaliser ce qu’il désire. Sa pensée se projette instantanément au dehors et prend une forme concrète. Il est le « vainqueur des êtres, des éléments »[1]. — « Il n’est rien dans les trois mondes, qu’il ne puisse obtenir par la discipline de la respiration[2]. »

Mettons à part, dans le nombre de ces perfections, les huit vibhūti, « déploiements de puissance », une liste compacte que les auteurs se transmettent sans variantes, mais non sans quelques divergences dans les interprétations. Ce sont :

1o La faculté de se faire si petit qu’on devient invisible, et qu’on peut pénétrer dans une pierre (aṇiman) ; 2o : la faculté de se faire si léger qu’on peut voyager sur un rayon de soleil (laghiman) ; 3o la faculté de se faire infiniment pesant (gariman) ; 4o la faculté de se faire immensément grand, au point qu’on peut atteindre la lune du bout de ses doigts (mahiman ou prāpti) ; 5o le pouvoir de réaliser immédiatement tous ses désirs, comme de s’enfoncer sous terre et de reparaître à la lumière (prākāmya) ; 6o une domination absolue sur le corps et ses organes (tśitva) ; 7o une domination absolue sur les éléments et tout ce qui est formé des éléments (vaśitva) ; 8o la possibilité de déterminer à son gré la volonté et les sentiments d’autrui, et de transformer la nature des êtres ; changer, par exemple, l’ambroisie en poison, et réciproquement (kāmāvasayitva).

À côté de ces perfections, qui sont en quelque sorte officielles dans l’enseignement de l’école, les textes en citent beaucoup qui ne sont pas moins extraordinaires. La distance et le temps n’existent pas pour le yogin. En l’absence de tout moyen de perception, il peut saisir soudain tout

  1. bhūtajaya, Y. S. III, 44.
  2. Vāsiṣṭha-saṁhitā, citée par le Y. S. S., p. 41.