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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

différentes : rougeâtres, blancs, bleus, jaunes, rouges (8, 6). — « Infinis sont les rayons de l’âme qui demeure comme une lampe dans le corps : blancs et noirs, bruns et bleus, basanés et rougeâtres » (Maitr. Up. 6, 30). Les éléments à l’état subtil, les régions de l’univers, les cercles invisibles du corps, d’une manière générale tout ce qui peut être un objet de méditation se revêt ainsi de couleurs mystiques qui se manifestent aux regards du yogin : « Qu’il place ses pouces dans les oreilles, le doigt du milieu dans chaque narine, le petit doigt et le quatrième aux coins de sa bouche, l’index au coin de ses yeux, alors se produira en l’ordre voulu la connaissance de la terre et des autres éléments, par des taches jaunes, blanches, rouges, bleues ; l’éther seul n’a pas de symbole » (Sarvadarś., p. 176). Et quand il dirigera sa vision intérieure vers les cakra, il verra le cercle du cœur vert, celui du nombril rouge, le cercle sexuel jaune, etc. Enfin, comme percevoir, c’est prendre la forme de l’objet perçu, il est naturel que l’esprit du yogin, se tournant vers l’Orient, qui est blanc, devienne lui-même blanc et incline à la vigilance, la résignation et la bonté ; mais que s’il se dirige vers le sud qui est rouge, c’est le sommeil et la méchanceté qui l’emportent en lui.

Les phénomènes auditifs sont plus importants encore que les phénomènes visuels. C’est aux sons entendus, en effet, aux nāda, qu’on mesure le progrès dans le samādhi[1] : chaque fois qu’un des granthi se dénoue, on entend une musique intérieure, d’abord dans le cœur, puis dans le cou, enfin entre les sourcils. On perçoit pour commencer une sorte de roulement de tambour, bientôt c’est le grondement de la mer, le tintement d’une cloche, le murmure d’une conque, le susurrement d’un tuyau, le bourdonnement d’une abeille. Enfin tout bruit cesse ; le yogin est entré en pleine inconscience, et son but est atteint[2].

  1. Le prāṇāyāma est déjà accompagné de bruits : « Il faut boucher (à l’aide des mains) les oreilles, le nez, la bouche et les yeux, et l’on entendra distinctement un son dans la suṣumnā purifiée » (H. Y. Pr. IV, 68).
  2. Les bourdonnements dans les oreilles sont, au dire de certaines Upaniṣad,