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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

région du nombril[1]. Mais si le yogin sait l’empêcher d’aller ainsi se perdre dans « le soleil », et s’il en imprègne son corps entier, il y a alors pour lui un tel accroissement de force vitale qu’il pourrait être mordu sans inconvénient par le plus terrible des serpents, et qu’il peut manger de la viande de vache sans cesser pour cela d’être aussi noble que le plus noble[2] : « Que le corps soit inondé de la tête aux pieds avec cette ambroisie, et l’on devient grand, vigoureux et vaillant » (H. Y. Pr. IV, 53).

Il est certain que la circulation et la respiration peuvent être modifiées par certaines des postures que prescrivent les traités du haṭha-yoga. Qu’on tienne énergiquement et longuement la tête inclinée sur la poitrine, et les mouvements du cœur seront sensiblement ralentis. Il suffit même de porter son attention sur quelque chose pour que la respiration devienne moins rapide. Si par un dressage assidu, et en évitant les aliments et les exercices excitants, on arrive à diminuer l’activité des poumons et du cœur, l’échange des substances ne se faisant plus qu’insuffisamment, le sang se charge d’acide carbonique, et des troubles cérébraux se produisent à coup sûr. Les yogins s’intoxiquent eux-mêmes. Il est donc bien probable qu’après avoir fait la part voulue à l’imagination et à la charlatanerie, il reste encore quelque chose de réel dans les descriptions de phénomènes étranges qu’ils disent accompagner les diverses phases du samādhi.

Ce sont d’abord des couleurs, invisibles pour l’homme vulgaire, mais perceptibles aux sens infiniment plus subtils du yogin. Car les éléments, les parties du corps, l’âme même présentent des colorations qui n’apparaissent qu’à l’œil de l’ascète en extase. Encore une de ces croyances dont les antécédents se retrouvent dans les Upaniṣad. D’après la Chāndogya-upaniṣad, les atomes du sang sont de cinq couleurs

  1. « De la lune coule le suc du corps ; et c’est parce qu’il s’écoule ainsi que la mort frappe les hommes » H. Y. Pr. III, 52.
  2. H. Y. Pr. III, 44, 45, 47.