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panier ou un sac de cuir. La famille se hâte de porter au temple des offrandes de beurre qu’on fait brûler devant les images sacrées et d’inviter les lamas à se rendre à la maison mortuaire pour y lire les prières des morts. Puis au jour déclaré favorable par les lamas astrologues, le corps est porté sur le bûcher, auquel le plus proche parent du mort met le feu à l’aide d’une torche allumée par le chef des lamas, qui tout le temps que dure l’incinération psalmodient des prières rangés autour du bûcher. Ils ont soin de continuellement suivre de l’œil les formes capricieuses de la fumée, prétendant lire dans ses volutes le sort futur de l’âme et même quelquefois y voir l’âme elle-même[1].

Mais ceci est funérailles de luxe qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Pour la masse de la population, même riche, le mode employé est précisément celui dont tous les étrangers ont dénoncé la répugnante horreur, et certainement les Tibétains eux-mêmes n’en supporteraient pas le spectacle, s’ils n’étaient cuirassés par l’habitude et les préjugés.

Le corps, préparé comme nous l’avons dit tout à l’heure, est porté dans un lieu spécial, sorte de charnier à ciel ouvert entouré d’une assez haute muraille dans laquelle sont pratiqués au ras du sol des ouvertures qui permettent aux chiens et autres animaux voraces d’y pénétrer. Là, il est remis aux mains de découpeurs qui le dépècent et jettent la chair par morceaux aux chiens, aux vautours et aux corbeaux. Quand les os sont parfaitement dépouillés de toute chair, on les brise et on les broie dans un mortier de pierre, on les mélange avec de la farine d’orge grillée, dont on fait des boulettes que l’on donne aux chiens et aux oiseaux voraces. Ce genre de sépulture est regardé comme très honorable et profitable à l’âme dans la vie future.

Il est encore une autre manière de pratiquer ces funé-

  1. C.-H. Desgodins, Mission du Thibet, p. 400.