parle Hérodote[1], les Tibétains buvaient parfois dans des crânes. Reste à savoir si c’étaient ceux de leurs parents ou des ennemis qu’ils avaient tués à la guerre ?
Le Tibétain est très pieux et paraît avoir très vif le sentiment de la famille et le respect des parents. Cependant beaucoup de voyageurs, et surtout les missionnaires, lui reprochent des usages funéraires qui paraissent également en contradiction avec le sentiment religieux et le respect dû aux morts. Ces critiques, fondées à notre point de vue européen, perdent beaucoup de leur valeur si l’on veut bien, un instant, faire abstraction de ses préjugés et tâcher de penser d’après les idées tibétaines. Une opinion courante chez tous les peuples, brâhmanes et bouddhistes, qui professent la croyance en la transmigration, c’est que, aussitôt après la mort, l’âme — ou le principe impérissable quelque nom qu’on lui donne — se sépare absolument du corps qui lui a servi d’enveloppe pour recommencer une nouvelle vie dans un nouveau corps, et que, par conséquent, le cadavre n’a plus rien du mort, n’est plus qu’un amas de matière qu’il importe de rendre au plus vite au grand courant vital universel par la dissociation des éléments divers qui le composent. À cette idée s’ajoute, au Tibet, la croyance que l’âme du mort, retenue par le cadavre comme par une chaîne, ne peut se réincarner pour une nouvelle existence et erre, véritable âme en peine, dans un état intermédiaire entre la vie et la mort, appelé bardo et presque aussi redouté que l’enfer, tant que les éléments matériels du corps ne sont pas intégralement restitués à la nature ; hâter leur dissolution est donc un devoir pieux, quel que soit le moyen qu’il faille employer pour y parvenir.
Le procédé le plus parfait et le plus expéditif est sans contredit l’incinération ; mais il est très coûteux au Tibet
- ↑ Hérodote, Histoires, livre IV, paragraphe 65.