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pourrait appeler la Patrophagie ; les Chinois, qui paraissent avoir été en contact avec eux dès le dernier siècle avant notre ère, et qui sont fort friands de racontars de ce genre, même apocryphes et fabuleux, en auraient sûrement dit un mot, surtout si, comme semble le faire entendre Rubruquis, cette barbare coutume avait persisté jusqu’aux approches du XIIIe siècle. Il est probable que ce dire a pour origine un usage funéraire, dont nous parlerons tout à l’heure, mal compris par quelque témoin incapable de se renseigner exactement. Mais ce qui est incontestable, c’est l’emploi qu’ils faisaient, et qu’ils font encore, d’ossements humains pour certains usages religieux. Dans les orchestres des temples, on se sert couramment de trompettes, appelées kang-doung (rkang-dung), faites avec des fémurs et des tibias, — et l’on assure que leur son est d’autant plus puissant et harmonieux que les anciens propriétaires de ces membres ont été des saints plus vénérables, — ainsi que de tambours à double caisse, nommés damarou, formés de deux crânes humains réunis par le sommet et dont la cavité est recouverte d’un parchemin bien tendu. Peu de temps après l’exposition de 1889, nous avons eu entre les mains un crâne, merveilleusement serti de perles fines et reposant sur un socle ou pied en or massif orné de pierres précieuses, que l’on disait être celui de Téchou-Lama, le célèbre Pantchen Rinpotché qui mourut de la petite vérole à Pékin, en 1780. Plusieurs inscriptions tibétaines et chinoises étaient gravées sur ce crâne si luxueusement décoré et écrites sur des morceaux de papier aux cinq couleurs sacrées collés dans sa cavité ; malheureusement, elles ne fournissaient aucun indice qui pût aider à connaître le personnage de marque dont il avait jadis abrité le cerveau. Ce paraissait être une coupe à sacrifice votive. Enfin, de ce que beaucoup de divinités tibétaines tiennent en main une coupe faite d’un crâne humain, appelée thod-krag, nous sommes en droit de supposer que, comme les Scythes dont