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De plus, quel que soit son rang, le caractère sacré dont il est revêtu lui assure partout un respect, un droit de préséance et une autorité qui flattent son orgueil, et qu’il peut souvent, avec tant soit peu d’habileté, mettre à profit au mieux de ses intérêts. Ces avantages sont tellement appréciés que dans chaque famille un des fils, au moins, est dès son enfance destiné à l’état ecclésiastique. Une autre cause, très sérieuse également, c’est l’ambition qui porte le laïque au célibat afin de ne pas être détourné, par les joies et les soucis de la famille, des soins et surtout des intrigues incessantes par lesquels il lui faut assurer sa fortune. À ces raisons, nous pouvons ajouter encore une disproportion assez grande entre le nombre des femmes et celui des hommes, et, aussi, chez ceux-ci, une certaine froideur de tempérament qu’il faut attribuer sans doute à la rigueur du climat.

Les préliminaires et les cérémonies du mariage ne sont ni bien longs ni bien compliqués ; par contre les fêtes et réjouissances, qui l’accompagnent obligatoirement, représentent une dépense considérable quelle que soit la fortune des deux familles. Il n’y a pas d’état civil au Tibet, et le clergé, qui réprouve et condamne l’union des sexes, s’abstient de paraître à ces cérémonies ; le mariage est donc simplement un acte consacré par le consentement mutuel et dont la validité est assurée par le témoignage des invités. Dans la haute classe, où les usages chinois ont été adoptés, la demande en mariage se fait par l’intermédiaire d’entremetteuses, amies ou parentes de la famille du jeune homme. Celles-ci, munies de khatas et de quelques flacons de tchong[1], se rendent chez les parents de la jeune fille, exposent la mission dont elles sont chargées, discutent la dot à fournir par chaque partie[2], plaident enfin de leur

  1. Sorte de bière faite avec de l’orge fermenté.
  2. Ceci est en désaccord avec l’assertion que le mari achète sa femme (voir Klaproth, Description du Tubet ; Nouveau Journal asiatique, t. IV, p. 251).