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mauvaise réputation aux bonzes et aux lamas ; mais, d’une façon générale, les Thibétains sont de braves gens, gais, francs et hospitaliers[1] », bien que la fin sanglante de cet explorateur semble lui donner un cruel démenti ?

Il est un point, par exemple, qui touche à la fois à leur caractère et à leurs mœurs, sur lequel tous les explorateurs sont unanimes : c’est leur extrême malpropreté, dans leur intérieur, dans leurs vêtements et sur leurs personnes, défaut qui leur est commun du reste, avec tous les peuples de la même race, les Boutaniens et les Tartares mongols. Chez eux, l’eau ne sert qu’à la préparation de la nourriture et du thé ; son emploi pour tout autre usage est absolument inconnu de toutes les classes inférieures. « L’odeur qu’on respire dans les tentes mongoles, dit le père Huc, est rebutante et presque insupportable, quand on n’y est pas accoutumé. Cette odeur forte, et capable quelquefois de faire bondir le cœur, provient de la graisse et du beurre dont sont imprégnés les habits et les objets à l’usage des Tartares. À cause de cette saleté habituelle, ils ont été nommés Tsao-ta-dzé, « Tartares puants », par les Chinois, qui, eux-mêmes, ne sont pas inodores ni très scrupuleux en fait de propreté[2]. » Cette malpropreté est encore aggravée par l’usage de ne changer un vêtement que lorsqu’il est réduit à l’état de guenille inutilisable et de coucher tout habillé ; nous verrons plus tard que c’est une des causes de la fréquence et de la gravité des maladies épidémiques qui désolent fréquemment ces contrées. Samuel Turner a trouvé une raison ingénieusement originale pour expliquer cette habitude de repoussante malpropreté : « Il faut observer, dit-il, que les ministres de cette religion (le bouddhisme) forment une classe à part et uniquement occupée de ses devoirs pieux. Le peuple, prétendant ne devoir se mêler en rien des

  1. Dutreuil de Rhins, Asie Centrale, p. 8.
  2. Huc, Voyage dans la Tartarie et le Thibet, t. I, p. 66.