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Les impôts ne sont fixés par aucune loi ; aussi règne-t-il un désordre et un arbitraire inouï. Sous le prétexte que tout le territoire appartient au Dala’i-Lama et que les habitants ne sont que des possesseurs temporaires, les Tsiak-dzo (percepteurs) se livrent sans contrôle aux exactions les plus criantes, sans que le contribuable ait aucun moyen de défense légale, et le non-paiement de l’impôt ou le refus de la corvée est fréquemment puni par l’expropriation totale du délinquant, condamné à la mendicité par autorité de justice. Cette pénalité, apparemment très productive pour le corps judiciaire, est si souvent appliquée que les mendiants de cette catégorie constituent dans l’État une classe à part, légalement reconnue, sous le nom de Tchonglong[1].

L’impôt se perçoit en nature : animaux domestiques, grains, laines, fourrures, étoffes, fromages, beurre, suivant la spécialité de la contrée ou la profession du contribuable, et ces denrées diverses sont versées dans les magasins publics, ou Tchantchang. Les droits de douane, les taxes d’octroi et les amendes (source de revenu très productive), payés en numéraire, servent aux dépenses d’utilité publique et à l’entretien des lamas et du culte. La corvée, Oulag, est obligatoire pour toute personne qui n’est pas notoirement indigente, même pour les étrangers en résidence temporaire. Elle est fixée par les Dé-pas et les maires (anciens) suivant la fortune présumée de l’habitant. « On prend dans un hameau trois, quatre et jusqu’à dix hommes. Les familles peu nombreuses prennent des pauvres comme remplaçants moyennant un salaire, ou paient par jour une somme déterminée, soit environ cinq centièmes d’once d’argent. Ceux qui ont passé l’âge de soixante ans sont exempts de toute charge. Si le service public l’exige, on requiert des bœufs, des chevaux, des ânes et des mulets dans les maisons riches ;

  1. Élysée Reclus, Tibet, p. 99.