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avoir formé un immense lac, ou mer intérieure, comme celle que l’on croit avoir existé jadis sur l’emplacement du désert de Cha-mo ou Gobi. L’écoulement subit de ces eaux, déterminé par quelque cataclysme ignoré, pourrait avoir été la cause de la terrible inondation dont les Annales chinoises ont enregistré le souvenir sous le nom de Déluge de Yaô. Sans nous arrêter à rechercher ce que cette hypothèse peut avoir de fondé, nous devons signaler l’existence au Tibet d’une tradition très généralement répandue, suivant laquelle tout le pays aurait été jadis entièrement sous les eaux, à l’exception seulement de quelques sommets très élevés, sur lesquels végétaient misérablement de rares êtres humains plus semblables à des bêtes qu’à des hommes. Touché de compassion pour leurs misères, un Bouddha, dont le temple est à Gâyâ[1], fit écouler les eaux vers le Bengale et envoya à ces ancêtres des Tibétains de saints instituteurs pour leur apprendre à vivre en société et les initier à la civilisation[2].

Ces lacs sont nombreux, surtout dans la partie voisine de l’Himâlaya, ou Tibet proprement dit. Leur dimension est généralement assez médiocre, et leur altitude considérable. Parmi les principaux on peut citer : le Tengri-nour ou Nam-mts’o, le plus vaste de la région, situé au nord de Lhasa au milieu d’un cirque de hautes montagnes que dominent, à l’est, les pics de Nian-tsin-tang-la et de Sam-tang-gang-tsa, et de Ning-khor-la (7,280 mètres) au sud. Son altitude est de 4,630 mètres. Ses eaux, quoique fortement salées, gèlent pendant l’hiver. Il n’a pas de déversoir apparent.

Le Yar-brok-mts’o, ou Palti, à 90 kilomètres environ au sud de Lhasa, et à 4,176 mètres au-dessus du niveau de la mer, est indiqué, à tort, par les auteurs indigènes, comme le plus grand lac du Tibet. A son centre, se trouve une île sur laquelle s’élève le fameux temple de la déesse à tête de

  1. Buddha-Gâyâ, une des résidences favorites du Bouddha Çâkya-mouni.
  2. S. Turner, Ambassade au Tibet et au Boutan, vol. I, p. 335.