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la récolte. C’est chez eux surtout que l’on trouve les visages les plus effroyables, que l’imagination des moines et du peuple se donne libre carrière pour les doter de bras en grand nombre, de têtes d’animaux, les armer de tous les instruments guerriers connus, parmi lesquels figurent toujours le fameux dordje ou vajra qui représente la foudre, et le dril-bu, sonnette sacrée dont le tintement met en fuite les démons éperdus ; ils portent aussi dans une de leurs mains le t’od-k’rag (Kapala) crâne humain dans lequel ils boivent le sang de leurs ennemis et qui sert dans les temples aux offrandes et aux libations du sang des victimes et de boissons fermentées[1]. Les Youms de ces Yidams ont le plus souvent des visages agréables, mais quelquefois pourtant des traits démoniaques ou plusieurs têtes, et d’ordinaire de nombreux bras aux mains chargées d’armes et de l’inévitable t’od-k’rag.

4. Byang-C’ub-Sems-dpah ou Bodhisattvas. — Si nous nous en tenons au sens qu’il a dans le Bouddhisme orthodoxe primitif, le terme de Bodhisattva[2] désigne un être parfait, ayant acquis dans de nombreuses existences des mérites prodigieux auxquels il renonce pour les appliquer par compassion et amour au salut des autres êtres[3], fait un vœu en vue de parvenir à la Bodhi, et devant devenir Bouddha dans une existence mondiale future. C’est en effet le titre que Çâkyamouni porte dans le ciel Touchita et sur la terre jusqu’au moment où il devient Bouddha ; c’est aussi celui dont il sacre Maitréya, son successeur, avant de s’incarner pour la dernière fois. Il semble donc, qu’en ce

  1. Il ne faut pas oublier que le meurtre d’êtres vivants et l’usage des alcools est formellement interdit par le Bouddhisme orthodoxe, à plus forte raison le proscrit-il dans les cérémonies du culte. Ces pratiques appartiennent au Çivaïsme tântrique.
  2. Celui qui possède les qualités ou l’essence de Bodhi.
  3. La réversibilité des mérites est un dogme du Bouddhisme.