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emprisonnée dans une enveloppe grossière (le corps animal ou humain) et douée d’une individualité distincte qui persiste, mais d’une façon restreinte, dans les transmigrations et lui permet de subir les conséquences bonnes ou mauvaises de son Karma. Au cours des transmigrations innombrables, l’enveloppe matérielle de l’âme s’use et diminue peu à peu d’épaisseur : elle arrive même à disparaître tout à fait ; alors l’homme devient Bouddha et entre dans le Nirvâna[1].

Quant au Nirvâna, ce n’est ni le néant ni l’opposé du néant. On peut d’autant moins le définir que sa nature diffère selon le degré de capacité intellectuelle de celui qui en cherche la définition, de même qu’il y a trois voies pour y parvenir : celle des êtres inférieurs, des êtres moyens et des êtres supérieurs. Pour les êtres inférieurs, le Nirvâna est un repos-néant. Pour l’être supérieur, c’est parvenir à l’état de Bouddha parfait. Dans le Nirvâna l’individualité de l’être se fond dans une sorte de confluence ; comme Çâkyamouni lui-même, il se confond avec les autres Bouddhas. Cependant sa personnalité n’est pas totalement détruite ; car s’il n’a pas la possibilité d’apparaître de nouveau dans le monde sous une forme perceptible par les sens, il peut se manifester spirituellement à ceux qui ont la foi. Alors c’est en eux-mêmes qu’ils le voient[2].

Les Gélougpas adorent toutes les divinités du panthéon tibétain ; toutefois ils vouent un culte tout particulier, comme patrons tutélaires de leur secte, au Bouddha suprême Dordjétchang[3], au Bouddha futur Maitréya, inspirateur de leur doctrine, aux Yidams Dordjé-jig-je[4], Demtch’og[5] et Sang-

  1. Comparer à la théorie du Purusa et de la Prâkritî de l’école Sânkhya.
  2. Ces explications m’ont été données verbalement par le Khanpo-Lama Agouan Dordjé.
  3. Rdo-rje-c’ang.
  4. Rdor-je-hjigs-rje, en sc. Vajrabhairava.
  5. Dem-mc’og, en sc. Samvara.