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vation pour la postérité. Ce sont ces livres, appelés Terma[1], qui renferment le plus d’extravagances et d’obscénités, quelques-uns recommandant même un libertinage sans frein comme la voie la plus sûre de parvenir au salut. Les Nyigmapas négligent généralement les prescriptions de la discipline bouddhique, principalement en ce qui concerne le célibat, l’abstinence de viande et de boissons fermentées ; beaucoup d’entre eux sont mariés ; presque tous sont adonnés à l’ivresse[2].

Leur divinité suprême est le Bouddha mystique, appartenant exclusivement à leur secte, Kountou Zangpo[3] ; mais, de préférence aux Bouddhas généralement adorés par les autres sectes, leur culte s’adresse à des dieux tutélaires démoniaques qu’ils appellent Çi-Yidam[4]-Kyi-Lha « Protecteurs bienveillants » et P’ro-yidam-Kyi-Lha « Protecteurs terribles », représentés selon le mode tântrique tenant étroitement embrassée leur Youm[5] ou Çaktî. Les premiers appartiennent à la classe des Bouddhas, les seconds à celle des divinités çivaïtes. Le Çi-yidam de la secte se nomme Vadjra-p’ourba et le P’royidam Doubpa-Kâgyè[6]. Ils ont aussi un démon gardien, monstre à deux têtes appelé Gourgon, et adorent leur maître Padma Sambhava sous diverses formes, divine, humaine et démoniaque[7]. Le culte essentiellement propitiatoire qu’ils rendent à ces divinités consiste en des pratiques magiques, mandalas ou cercles, incantations, récitation de formules et de charmes, et des offrandes où les viandes, les liqueurs fermentées et le sang

  1. Gter-ma.
  2. Sarat Chandra Dâs, Buddhist schools in Tibet (Journ. of the As. Soc. Bengal, 1882, p. 123).
  3. Kun-tu bzang-po, en sanscrit, Samantabhadra.
  4. Yi-dam « dieu tutélaire, protecteur ».
  5. Yum « mère », terme de respect pour désigner une femme de qualité et aussi une déesse.
  6. Sgrub-pa-Kah-brgyad.
  7. L. A. Waddell, Lamaism, p. 72.