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Tibet. Il y trouva un terrain singulièrement favorable à son développement ultérieur dans le caractère profondément religieux de la population, son ignorance, ses superstitions, ses pratiques chamaniques et, par dessus tout, sa terreur perpétuelle des démons. On peut dire à juste titre, en effet, que c’est plutôt comme exorcistes et sorciers que comme prédicateurs des dogmes et de la morale bouddhiques que les Pandits indiens conquirent le Tibet et, dès leur apparition, jetèrent les fondements de cette institution unique et si intéressante qu’est le Lamaïsme.

Lamaïsme. — En général, on entend exclusivement par Lamaïsme la religion tibétaine ; mais, en réalité, ce terme doit être pris dans un sens beaucoup plus large, embrassant à la fois les institutions religieuses et sociales de ce pays, avec pour couronnement la théocratie absolue qui le gouverne depuis trois siècles, et qui est sortie par une marche lente, mais ininterrompue, du développement spécial des institutions religieuses.

En tant que religion, le Lamaïsme prétend suivre la doctrine de l’école Mahâyâna, ou Bouddhisme du Nord ; mais il l’a tellement exagérée, y a apporté tant de développements et de modifications de son cru, y a introduit tant de croyances et de pratiques locales, qu’à part sa reconnaissance de Çâkyamouni comme fondateur, sa croyance en l’existence des Bouddhas, Bodhisattvas et dieux de tous rangs, et l’observance de quelques dogmes fondamentaux tels que ceux de la métempsycose, des quatre vérités, du Vide, du Non-moi, de l’obligation de la méditation, etc., il n’a plus guère du Bouddhisme que le nom. Certaines sectes négligent même l’observation du vœu de célibat et autorisent le mariage de leurs religieux (Çânta Rakchita et Padma Sambhava étaient, dit-on, mariés), de même que les prescriptions relatives à l’abstinence de viande et de boissons enivrantes. Aussi faire une histoire d’ensemble des dogmes et des doctrines lamaïques serait une tâche confuse et