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cées des Mahâ-Sanghikas, et amenaient finalement sa scission en deux grandes écoles, le Hinayâna réaliste, prétendant conserver la tradition orthodoxe du Bouddhisme primitif, et le Mahâyâna, idéaliste, représentant une évolution ritualiste, plus large et plus populaire malgré son ésotérisme, faisant une plus grande place à l’élément laïque, tendant à transformer le cercle restreint de la communauté en Église universelle[1].

Puis, tout naturellement, la tendance à la métaphysique s’était développée dans le Mahâyâna, y introduisant le mysticisme de l’école Yogâtchâra[2], dont Nâgârdjouna[3] fut le chef ou tout au moins le plus illustre propagateur, et enfin le Bouddhisme finit par être envahi par toute la multitude des divinités du panthéon brāhmanique, surtout de celles du Çivaïsme, sans doute à cause de son ascétisme plus accusé[4] que celui du Vichnouisme, amenant bientôt à sa suite toutes les aberrations des Tantras : le culte des Çaktîs[5] qu’on associera même aux Bouddhas, leurs rites orgiaques, leurs sacrifices sanglants, les exorcismes, les incantations, les charmes et sortilèges, les cérémonies, cercles, formules et gestes magiques préconisés par l’école Kalatchakra[6] comme devant exercer une action infaillible sur les dieux, les démons, les éléments et les lois de la nature.

La conception philosophique d’un monde sans création ni créateur, et du Bouddha, homme divinisé et élevé au-dessus des dieux par la vertu et la science, pouvait peut-être convenir à l’intelligence cultivée d’une élite restreinte ; difficile à comprendre pour les masses, elle devait être un

  1. Sur le Hinayâna et le Mahâyâna, voir H. Kern : Histoire du Bouddhisme dans l’Inde, t. II.
  2. Yogācāra.
  3. Nāgārjuna.
  4. Çiva est l’ascète par excellence.
  5. Déesses à allures démoniaques, épouses des dieux dont elles personnifient l’énergie active.
  6. Kala-cakra « Cercle du temps », cycle de la métempsycose.