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tentatives d’empiétement, soi-disant pacifique, sur les peuples limitrophes dépendants du Tibet, Dardjiling, Sikkim, le Népaul, Ladak et le Cachemir[1]. L’annexion de ces provinces à l’empire des Indes et les progrès de la Russie dans l’Asie centrale ne lui laissent sans doute plus guère d’illusions sur la perte prochaine du semblant d’indépendance que le protectorat chinois lui a laissé, échéance fatale qu’il s’efforce de reculer par une résistance désespérée à l’intrusion de l’élément européen.

En lui-même, ce pays pauvre, nourrissant à peine cinq ou six millions d’habitants sur un territoire à peu près double de celui de la France[2], difficile d’accès et d’un séjour peu agréable, vu son altitude considérable et ses conditions climatériques, n’est pas une proie bien tentante, même en tenant compte de la richesse prétendue de ses mines, et l’on ne s’expliquerait guère la compétition dont il est l’objet, si sa position exceptionnelle au centre de l’Asie n’en faisait la clef de tout cet immense continent.

2. Explorateurs européens. — Pendant tout le moyen âge, le Tibet ne fut guère visité que par quelques marchands chinois âpres au gain, et par les missionnaires bouddhistes indous que leur zèle propagandiste faisait braver tous les obstacles. L’élévation prodigieuse des montagnes couvertes de neiges éternelles qui l’entourent et ne peuvent se franchir, même pendant les mois d’été, que par un petit nombre de passages, d’accès très difficile, à une altitude au moins égale à celle du Mont-Blanc, la rigueur de son climat, les vents violents qui y règnent presque constamment, la sécheresse insupportable de l’atmosphère, la pauvreté du sol et la rareté de ses habitants, écartaient les

  1. Dès 1854, l'abbé Desgodins signalait l’inquiétude des provinces tibétaines menacées par l’ambition anglaise (Mission du Thibet, p. 21, in-8o. Paris, 1872).
  2. Dutreuil de Rhins, Asie Centrale, p. 8, in-4o. Paris, 1889.