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avec lui après avoir longtemps, et souvent avec succès, lutté pour la suprématie religieuse et politique.

Il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de se rendre compte, même d’une façon très approximative, de ce qu’était dans le principe cette religion Bon ; car ses livres sont relativement modernes, imités de ceux des bouddhistes auxquels ils ont emprunté leur métaphysique et à peu près toute leur doctrine, et les seuls renseignements anciens que nous possédons sont ceux forcément suspects, des ouvrages bouddhiques traitant de l’établissement de leur religion au Tibet et des luttes qu’elle eut à soutenir avec le Bon. Tous les auteurs européens, qui ont écrit sur cette question, s’accordent à dire que ce devait être un chamanisme grossier, c’est-à-dire une adoration animiste et fétichiste à la fois des forces de la nature et d’esprits bons ou mauvais, mais plutôt mauvais, ou, encore mieux peut-être, pouvant être alternativement bienveillants ou malfaisants, causant ou empêchant les calamités et les maux de toutes sortes, selon qu’ils sont satisfaits ou mécontents du culte qu’on leur rend au moyen de prières, d’incantations, de sacrifices de victimes et de danses ; forme religieuse assez semblable, dit-on, au Taôisme vulgaire des Chinois et aux croyances de quelques peuplades de la Mongolie et de la Sibérie. Les Bonpos eux-mêmes prétendent tantôt que leur religion est l’origine du Taôisme, — elle aurait été portée en Chine par leur prophète Çenrab-Mibo, sous le règne d’un empereur nommé Koung-tseu (?), — tantôt qu’elle en découle.

Même dans sa forme actuelle la religion des Bonpos nous est très insuffisamment connue, par la raison qu’aucun Européen n’a encore pu l’étudier sur place, et que bien peu de ses livres ont été traduits jusqu’à présent. Les seules données un peu précises que nous possédons sont dues en grande partie aux observations et aux traductions du Pandit indien Sarat Chandra Dâs, explorateur au service du gou-