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personnelles ou de religion, et insensiblement il se transforme en province chinoise.

Avec l’apparition, en 1616, de la dynastie Ta-thsing, encore aujourd’hui sur le trône de Chine , la face des choses change, soit que les nouveaux maîtres aient eu la main moins douce que leurs prédécesseurs, soit, ce qui paraît plus probable, que les haines et les ambitions longtemps assoupies et contenues par une habile diplomatie aient fait brusquement explosion à la faveur de la désorganisation qui précède et suit l’agonie d’une dynastie.

Autant qu’il est permis de le supposer d’après les rares documents que nous possédons sur l’histoire politique du Tibet, il est probable que les Youen et les Ming avaient traité ce pays plutôt en état tributaire qu’en province conquise et que la division administrative opérée par Khoubilaï ne faisait guère que consacrer sous le nom de provinces l’existence d’anciens royaumes indépendants et sanctionner par une reconnaissance officielle le pouvoir de leurs rois, souvent contesté, sans doute, par de turbulents chefs de tribu ; de même qu’en les soumettant tous à la seule autorité qui fut alors redoutée et respectée, celle du chef de la religion, Bouddha vivant, il instituait un arbitre pour leurs dissensions et un intermédiaire écouté pour les ordres émanant de la cour impériale. Marco Polo, en effet, bien placé pour être exactement renseigné, nous parle des huit royaumes qui composent le pays de Tébet, comme s’ils n’avaient aucun lien entre eux. Il est donc à peu près certain qu’il existait au Tibet non un, mais plusieurs rois (ou chefs importants), sans doute se jalousant et presque continuellement en guerre entre eux, afin de se dominer l’un l’autre, et avec le pontife, dont ils devaient supporter impatiemment la suprématie et peut-être les empiètements dans les questions purement temporelles. De l’un de ces chocs d’ambitions et d’intérêts jaillit un beau jour l’étincelle qui ralluma la guerre avec la Chine.