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du peuple se livrent à la spéculation avec une ardeur effrénée ; mais leur commerce ne ressemble guère au nôtre. Il n’y a point de boutiques, — ou du moins celles que l’on trouve dans les villes sont tenues par des chinois ou des mahométans des pays frontières que l’on nomme Katchis[1], — et point de spécialités, chacun achetant indifféremment tout ce qu’il espère pouvoir revendre avec profit. En général, tout le petit commerce est aux mains des femmes[2] qui, avec autant d’habileté que d’activité, colportent ou étalent dans les rues les marchandises qu’elles ont pu se procurer. Outre quelques marchés établis à époques déterminées dans les grands centres, et dont le principal est celui qui se tient à Ta-tsian-lou pour les échanges avec la Chine[3], toutes les fêtes religieuses, tous les pèlerinages qui attirent autour des monastères une certaine affluence d’étrangers, sont l’occasion de foires, grâce auxquelles le dévot tibétain peut faire ses affaires tout en accomplissant une œuvre pieuse. C’est généralement à ces assemblées que se rendent les pasteurs qui viennent y échanger le beurre, les peaux, la laine de leurs troupeaux et les étoffes grossières tissées par leurs femmes contre la farine d’orge, le thé, le tabac, les ustensiles de ménage, les outils et les armes dont ils ont besoin.

Une particularité curieuse du commerce tibétain, c’est qu’il en est resté, aujourd’hui encore, au système primitif des échanges de marchandises, l’argent monnoyé ne servant guère que comme appoint ou pour les transactions du petit commerce de détail. La monnaie tibétaine ne comporte que deux types : une pièce d’argent, du poids de 1/10 d’once chinoise et valant 80 centimes de notre monnaie, qui porte le nom de l’empereur régnant et l’année de son

  1. Huc : Voyage, t. II, p. 270.
  2. Huc : Voyage, t. II, p. 260.
  3. Klaproth : Description du Tubet ; Nouv. journ. asiat., t. VI, p. 186. — C’est à Ta-tsian-lou que se tient la grande foire de thé.