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vertus que souvent on chercherait en vain parmi de plus civilisés, le respect de la propriété d’autrui, de la parole donnée, et une hospitalité patriarcale alliée à une généreuse charité que le bouddhisme n’a pas peu contribué à développer. Chaque tribu a ses pâturages d’été et d’hiver dont les limites sont définies, sans doute, par un accord traditionnel plutôt que par une charte de concession ; elle en défend l’usage abusif à tous ses voisins et aux étrangers, mais d’un autre côté, jamais elle ne tente d’empiéter sur les territoires, qui ne lui appartiennent pas en propre. Ces hauts pâturages portent les noms de gong et de zoua[1].

La fortune des « hommes des tentes noires[2] » consiste tout entière en troupeaux, quelquefois immenses, de yaks, de moutons, de tsods (chèvres à longs poils soyeux) et de govas (chèvres à poils rudes). Le bœuf et la vache de race commune sont plus rares que les yaks sur les hauts plateaux, peut-être parce qu’ils sont moins résistants à la rigueur du climat ; on les trouve, au contraire, en majorité dans le cheptel des fermes. Chaque tente possède un certain nombre de chevaux employés comme montures, mais à part cela on en fait peu l’élevage ; de même que les mulets, on n’en voit guère en troupeaux, hors de la province de Tsang, que dans les districts de Gyamda, Ryvoudzé et Tardzouong. Les troupeaux fournissent aux pasteurs à peu près tout ce dont ils ont besoin pour vivre : le lait qu’ils boivent, le beurre dont ils sont friands, le petit lait dont ils préparent par fermentation une boisson aigrelette assez agréable, des fromages cuits qui remplacent le pain, la viande qu’ils mangent, la laine et le poil qu’ils tissent, les peaux dont ils s’habillent en hiver. De plus, le beurre, la viande, la laine, les peaux et le cuir sont pour eux des articles de commerce avantageux.

  1. Desgodins, Mission du Thibet, p. 291.
  2. Nom donné aux pasteurs à cause de la couleur sombre de leurs tentes en poil de yak.